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rons, nous verrons ! rien n’est encore fait. Que les Médicis prennent garde à eux ! Adieu, je vais chez les Pazzi ; aussi bien, j’y allais avec Pierre, quand on l’a arrêté.

Lorenzo.

Il y a plusieurs démons, Philippe ; celui qui te tente en ce moment n’est pas le moins à craindre de tous.

Philippe.

Que veux-tu dire ?

Lorenzo.

Prends-y garde, c’est un démon plus beau que Gabriel : la liberté, la patrie, le bonheur des hommes, tous ces mots résonnent à son approche comme les cordes d’une lyre ; c’est le bruit des écailles d’argent de ses ailes flamboyantes. Les larmes de ses yeux fécondent la terre, et il tient à la main la palme des martyrs. Ses paroles épurent l’air autour de ses lèvres ; son vol est si rapide, que nul ne peut dire où il va. Prends-y garde ! une fois dans ma vie je l’ai vu traverser les cieux. J’étais courbé sur mes livres ; le toucher de sa main a fait frémir mes cheveux comme une plume légère. Que je l’aie écouté ou non, n’en parlons pas.

Philippe.

Je ne te comprends qu’avec peine, et je ne sais pourquoi j’ai peur de te comprendre.