nous sommes vieux, monseigneur, et vous êtes un homme.
Oui, il y a dix ans que je ne vous ai vus, et en un jour tout change sous le soleil. Je me suis élevé de quelques pieds vers le ciel, et vous vous êtes courbés de quelques pouces vers le tombeau. Vos têtes ont blanchi, vos pas sont devenus plus lents ; vous ne pouvez plus soulever de terre votre enfant d’autrefois. C’est donc à moi d’être votre père, à vous qui avez été les miens.
Votre retour est un jour plus heureux que votre naissance. Il est plus doux de retrouver ce qu’on aime que d’embrasser un nouveau-né.
Voilà donc ma chère vallée ! mes noyers, mes sentiers verts, ma petite fontaine ! voilà mes jours passés encore tout pleins de vie, voilà le monde mystérieux des rêves de mon enfance ! Ô patrie ! patrie, mot incompréhensible ! l’homme n’est-il donc né que pour un coin de terre, pour y bâtir son nid et pour y vivre un jour ?
On nous a dit que vous êtes un savant, monseigneur.
Oui, on me l’a dit aussi. Les sciences sont une belle chose, mes enfants ; ces arbres et ces prairies ensei-