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Maître Bridaine.

Cette vieille demoiselle paraît tout à fait pleine d’onction.

Le Baron.

Pleine d’onction et de componction, maître Bridaine ; sa vertu est inattaquable.

Maître Bridaine.

Mais le gouverneur sent le vin ; j’en ai la certitude.

Le Baron.

Maître Bridaine, il y a des moments où je doute de votre amitié. Prenez-vous à tâche de me contredire ? Pas un mot de plus là-dessus. J’ai formé le dessein de marier mon fils avec ma nièce ; c’est un couple assorti : leur éducation me coûte six mille écus.

Maître Bridaine.

Il sera nécessaire d’obtenir des dispenses.

Le Baron.

Je les ai, Bridaine ; elles sont sur ma table, dans mon cabinet. Ô mon ami ! apprenez maintenant que je suis plein de joie. Vous savez que j’ai eu de tout temps la plus profonde horreur pour la solitude. Cependant la place que j’occupe et la gravité de mon habit me forcent à rester dans ce château pendant trois mois d’hiver et trois mois d’été. Il est impossible de faire le bonheur des hommes en général, et de ses vassaux en particulier, sans donner parfois à son valet de chambre l’ordre rigoureux de ne laisser entrer personne. Qu’il est austère et difficile le recueillement