Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Est-ce ma faute s’il m’est tombé, tandis que je dormais, une de vos larmes sur la joue ?

Elsbeth.

Tu me parles sous la forme d’un homme que j’ai aimé, voilà pourquoi je t’écoute malgré moi. Mes yeux croient voir Saint-Jean ; mais peut-être n’es-tu qu’un espion ?

Fantasio.

À quoi cela me servirait-il ? Quand il serait vrai que votre mariage vous coûterait quelques larmes, et quand je l’aurais appris par hasard, qu’est-ce que je gagnerais à l’aller raconter ? On ne me donnerait pas une pistole pour cela, et on ne vous mettrait pas au cabinet noir. Je comprends très bien qu’il doit être assez ennuyeux d’épouser le prince de Mantoue. Mais après tout, ce n’est pas moi qui en suis chargé. Demain ou après-demain vous serez partie pour Mantoue avec votre robe de noce, et moi je serai encore sur ce tabouret avec mes vieilles chausses. Pourquoi voulez-vous que je vous en veuille ? Je n’ai pas de raison pour désirer votre mort ; vous ne m’avez jamais prêté d’argent.

Elsbeth.

Mais si le hasard t’a fait voir ce que je veux qu’on ignore, ne dois-je pas te mettre à la porte, de peur de nouvel accident ?

Fantasio.

Avez-vous le dessein de me comparer à un confident de tragédie, et craignez-vous que je ne suive votre ombre en déclamant ! Ne me chassez pas, je vous en