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dépendait de personne d’amener une nouvelle renaissance, du moins, on pouvait être sûr de revoir un jour, en France, une cour amoureuse des belles choses et occupée des plaisirs de l’esprit. Tout à coup il se trouva que ces espérances n’étaient plus que des chimères. Alfred ressentit un profond chagrin de la mort du prince royal ; mais il ne voulut exprimer ce chagrin qu’au bout d’une année révolue, et le 13 juillet 1843, il tint parole.

En attendant le triste anniversaire, comme il lisait le petit volume des poésies de Leopardi, il sentit son cœur s’animer à cette lecture. Giacomo Leopardi, peu connu de son vivant, même en Italie, disgracié de la nature et de la fortune, inconsolable de l’abaissement de son pays, avait été un des hommes les plus malheureux de ce siècle. Ses vers, où respire une tristesse navrante, se distinguent par des qualités françaises, la concision et la sobriété. Le poète des Nuits prit plaisir à lui payer un tribut d’admiration et de sympathie.

Une jolie femme exerce, dans son petit domaine, une souveraineté à laquelle la poésie aura toujours affaire. Ne faut-il pas dire de son mieux, quand on exprime ce qu’une paire de beaux yeux vous inspire ? Beaucoup de sonnets, de rondeaux, de stances qui, dans le siècle des madrigaux, auraient fait parler tout Paris, les uns sur un morceau de musique ou sur un mot échappé dans la conversation, les autres sur un billet, un regard, un sourire, ont vu le jour pendant cette période de paresse et de chagrin. Quelques-uns ont été retrouvés ; mais plusieurs sont encore égarés et ne reparaîtront peut-être jamais[1].

  1. Alfred de Musset n’a employé ni copiste, ni secrétaire ; tout ce