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d’exprimer un sentiment général et des regrets que tout le monde partageait. Cette fois sa sensibilité poétique s’était émue pour d’autres chagrins que les siens. Dans les lettres de deux habitants de La Ferté-sous-Jouarre, il traita ensuite plusieurs questions de critique littéraire avec une verve comique dont le tour d’esprit rappelle celui de Paul-Louis Courier[1]. Ces essais excitèrent beaucoup de curiosité ; on en demandait la suite ; mais l’auteur n’avait que peu de goût pour la critique ; il ne s’y adonna jamais que par boutade. Selon lui, la meilleure guerre à faire aux mauvais ouvrages, c’était de tâcher d’en produire de bons. Une fois qu’on l’eut reconnu sous le double pseudonyme de Dupuis et Cotonet qu’il avait adopté pour publier les lettres de la Ferté-sous-Jouarre, il changea d’occupation et il écrivit le Caprice, dont l’idée lui fut inspirée par le cadeau anonyme d’une bourse. Tout le monde connaît aujourd’hui la fortune bizarre de cette comédie. Pour aller de la rue des Beaux-Arts, ou étaient alors les bureaux de la Revue des Deux Mondes, jusqu’au théâtre de la rue Richelieu, le Caprice passa par Saint-Pétersbourg et mit dix ans à faire le voyage.

Je l’ai déjà dit : Alfred de Musset était naturellement confiant, et même crédule,

Se défendant de croire au mal,
Comme d’un crime,


ainsi qu’il l’écrivait encore dans une de ses dernières poésies. Cependant il ne dépendait pas de lui d’ignorer ce que l’expérience lui avait appris. Parfois, il croyait au mal, sans

  1. Alfred de Musset n’a jamais été à La Ferté-sous-Jouarre. Il a choisi le nom de cette ville par pure fantaisie.