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vrages en prose. Le récit de cet épisode était nécessaire pour éclaircir certains passages des poésies, expliquer des contradictions apparentes et mettre fin à des méprises qui ont duré assez longtemps.

Le sort devait au pauvre Gilbert quelque dédommagement, après tant de chagrins et de sacrifices. Le vide affreux où le laissait la perte d’Emmeline se trouva comblé par l’acquisition d’un bien plus durable qu’un amour plein d’écueils. C’est en ce temps-là qu’une charmante femme l’adopta pour filleul et lui permit de l’appeler sa marraine. Il n’avait pas eu de peine à la distinguer dans la foule du monde parisien, où elle avait une réputation de femme d’esprit, et il ne fut pas seul à l’apprécier : quiconque a reçu d’elle un billet sait que jamais elle n’a pris la plume, ne fût-ce que pour écrire quatre lignes, sans qu’il lui soit échappé quelque joyeuse étincelle.

Ces noms de filleul et de marraine indiquent le rôle et la part de chacun dans cette gracieuse intimité ; mais on se tromperait fort si l’on pensait que le poète, avec son organisation de sensitive, passait sa vie à se faire plaindre et consoler. Il était, au contraire, ménager des contributions de l’amitié, et il en usa toujours discrètement. D’ailleurs, les confidences du filleul, même les plus sérieuses, se faisaient sur le ton du badinage ; c’était une manière de payer son écot, en cherchant à amuser une personne dont la gaieté pétillante avait le pouvoir de dissiper la tristesse et les inquiétudes.

Alfred de Musset avait encore une amie dont l’affection presque maternelle lui fut extrêmement chère. La duchesse de Castries joignait à tous les avantages de l’esprit les qua-