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est vrai, lorsqu’il sent sa raison s’égarer en jouant trop bien son rôle de fou ; mais Lorenzo n’a-t-il pas une signification morale plus profonde lorsqu’il se sent vicieux pour avoir trop bien joué la comédie du vice ? Cet ouvrage n’est point encore connu et apprécié comme il mérite de l’être.

Lorenzaccio a été écrit avec tant de verve et de facilité qu’on ne trouve presque pas de ratures sur le manuscrit autographe ; et cependant l’auteur ne prenait point de notes ; son portefeuille, c’était sa mémoire, qui le jour de l’exécution ne lui faisait jamais défaut. Une liste de personnages et quelques numéros de scènes représentaient à son esprit tout le plan d’une comédie. Souvent même, avant de prendre la plume, il jetait au feu ces préparations du travail, qu’il appelait des épluchures. Tandis que son drame était sous presse, Alfred partit pour Bade, où il alla chercher des distractions dont il avait grand besoin, car il se tenait enfermé dans sa chambre depuis quatre mois, et cette réclusion volontaire devenait dangereuse pour sa santé. Il rapporta de son voyage à Bade le sujet du poème intitulé une Bonne fortune, où l’on voit que les distractions avaient porté d’excellents fruits.

L’année 1835 est une des plus fécondes et aussi des plus agitées de la vie d’Alfred de Musset. Dans la seconde moitié de cette année, il fut pris d’une véritable fièvre productive que les amours et les blessures ne firent qu’entretenir et surexciter. Le 1er juin, il publia Lucie, et quinze jours après, la Nuit de Mai. Ce qui avait transpiré des peines de cœur du poète contribua au grand succès de ce dernier morceau. Il composa ensuite la Quenouille de Barberine, où il prit plaisir à mettre en scène des personnages du vieux