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sang-froid et un courage dignes d’une action meilleure. Ce lugubre épisode ne fut pas étranger à la conception de Rolla. Pour se mouvoir à l’aise sur un terrain si dangereux, il ne suffisait pas d’un habit à la mode ; il fallait encore que la poche fût bien garnie, et quand ce lest indispensable lui manquait, le jeune dandy avait, par bonheur, assez de raison pour retourner au travail[1].

En 1833, Alfred de Musset perdit son père. Cet événement marqua dans sa vie comme une grande division et changea le cours de ses idées. Il voulut tenter un effort pour conquérir une position nouvelle. Son talent avait mûri et il s’était fait une poétique bien différente de celle des Contes d’Espagne. Il écrivit trois poèmes de genres très divers : la Coupe et les Lèvres, À quoi rêvent les jeunes filles et Namouna. Ces trois ouvrages composèrent un volume qui parut en janvier 1883, sous ce titre : un Spectacle dans un fauteuil. De ce moment date sa séparation de l’école romantique. — Plus de soirées triomphales ! plus de cris d’enthousiasme ! — Mais il se consola en pensant qu’il serait aussi sevré de discussions stériles : « L’esprit de controverse, disait-il, ressemble à Messaline ; il se fatigue sans

  1. Je ne sais pourquoi M. Taine, dans une étude très belle sur le poète anglais Tennyson, a représenté Alfred de Musset rôdant le soir dans les plus laides rues de Paris. Rien n’est plus inexact : Musset détestait les cloaques et n’y passait jamais qu’en voiture. Quant aux fabricants de mémoires apocryphes et aux inventeurs d’anecdotes qui mêlent le nom du poète des Nuits à ceux des bohèmes dont ils écrivent l’histoire, on ne les réfute pas ; c’est assez de faire voir qu’ils parlent d’un homme qu’ils n’ont jamais connu. On publie tous les jours des historiettes et de prétendus souvenirs sur Alfred de Musset ; je n’en ai pas encore rencontré un seul où il y eût une ombre de vérité.