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fournit l’idée des deux derniers vers, il y a, dans Lemaistre de Sacy, un contre-sens positif. Le texte dit quia ignoras quid futurum sit mali super terram ; et le français dit « parce que vous ignorez le mal qui doit venir sur la terre. » — C’est tout autre chose ; il aurait fallu, je crois : « quel mal peut venir. »

Si une autre paraphrase de ces deux versets pouvait entrer dans le morceau sans le premier vers, on pourrait mettre encore :

Nul ne sait de quels maux son destin le menace.
Jette un morceau de pain dans le fleuve qui passe ;
Les flots qui sont à Dieu ne l’engloutiront pas.
Laisse-les l’emporter sur la rive étrangère,
Et, dans longtemps peut-être, en un jour de misère,
Tu l’y retrouveras.

Si vous ne voulez prendre que le sens philosophique du passage de l’Écriture, et le développer sous ce rapport, peut-être alors pourrait-on dire encore :

Qui peut prévoir les maux suspendus sur sa tête ?
Quand vous serez assis au banquet d’une fête,
Jetez dans l’eau qui passe un peu de votre pain.
Que le pauvre ait sa part de ce que Dieu vous donne,
Afin que, quelque jour, celui qui fait l’aumône
Vous ouvre aussi sa main.

Mais à force de retourner le texte, il finirait par n’en rien rester. Ainsi voilà qui prouve que le mieux est l’ennemi du bien, comme vous me le disiez l’autre jour ; ajoutez à cela que le bien est l’ennemi du mal, comme je vous le disais aussi, et vous en serez au même point