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plaisent ou des vers qui m’ont frappés, il me répond : « Est-ce que tu n’aimes pas mieux lire tout cela dans quelque bon historien ? Cela est toujours plus vrai et plus exact. »

Toi qui as lu l’Hamlet de Shakspeare, tu sais quel effet produit sur lui le savant et érudit Polonius ! — Et pourtant cet homme-là est bon ; il est vertueux, il est aimé de tout le monde ; il n’est pas de ces gens pour qui le ruisseau n’est que de l’eau qui coule, la forêt que du bois de telle ou telle espèce, et des cents de fagots. — Que le ciel les bénisse ! ils sont peut-être plus heureux que toi et moi.

Je m’ennuie et je suis triste. Je ne te crois pas plus gai que moi ; mais je n’ai pas même le courage de travailler. Eh ! que ferais-je ? Retournerai-je quelque position bien vieille ? Ferai-je de l’originalité en dépit de moi et de mes vers ? Depuis que je lis les journaux (ce qui est ici ma seule récréation), je ne sais pas pourquoi tout cela me paraît d’un misérable achevé ! Je ne sais pas si c’est l’ergoterie des commentateurs, la stupide manie des arrangeurs qui me dégoûte, mais je ne voudrais pas écrire, ou je voudrais être Shakspeare ou Schiller. Je ne fais donc rien, et je sens que le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme qui a les passions vives, c’est de n’en avoir point. Je ne suis

    1809 à 1814), mort en 1839 à l’âge de quatre-vingt-six ans, n’était que l’oncle à la mode de Bretagne d’Alfred de Musset, c’est-à-dire le cousin germain de son père.