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Lorédan.

Eh bien, mon fils, ils ont résolu, — après mûre délibération, — que la République adopte ma fille et la donne, comme princesse, avec une dot considérable, à ce digne et charmant marquis.

Fabrice.

En vérité !

Lorédan.

La chose est faite ; j’ai là un mot de l’ami Cornaro, qui a voulu le premier m’annoncer cela. Je ne sais pas encore pertinemment quelle est la dot, mais le mot est écrit : « considérable ». Que la République y trouve son compte, cela n’est pas douteux. Elle est bonne mère, mais bonne ménagère. Je crois qu’il y a sous main, entre nous soit dit, quelque projet de traité avec Milan, aux dépens du sieur de Padoue ; et les clefs de quelques petites villes de par la Marche trévisane pourraient bien se glisser dans la corbeille de noces… Eh ! eh ! ces fiers Morosini, avec leur princesse de Hongrie, ils ne seront donc plus les seuls dont la fille ait été ainsi adoptée.

Michel.

Je ne suis jamais sans inquiétude lorsque j’entends mon noble père parler ainsi des affaires d’État.

Lorédan.

Bon ! te voilà avec tes scrupules. Un soldat ! cela te sied bien ! Est-ce Charles Zéno, ton capitaine, qui t’enseigne cette prudence ?