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Michel.

À d’autres ! — Je ne me repais point de contes de nourrice.

Fabrice.

Quelle est donc ta pensée ? tu ne l’oses pas dire.

Michel.

Je l’oserai devant elle.

Fabrice.

Non, par le Dieu vivant ! tant que je conserverai le sentiment de mon propre honneur, je ne croirai jamais que ma sœur puisse cesser un moment de respecter le sien. Le doute même en est impossible… De tout autre que toi je ne le souffrirais pas.

Michel.

Ni moi non plus.

Fabrice.

Qu’est-ce donc à dire ? Il y a ici, évidemment, quelque mystère inexplicable. Pas plus que toi, je ne puis le pénétrer. Cette disparition, cette chambre vide, ce hasard même qui t’a pris pour témoin, tout cela est, j’en conviens, difficile à comprendre. Mais il est bien plus difficile encore de croire que la fille des Lorédan, après avoir vécu sans reproche pendant vingt ans sous le toit de ses ancêtres, perde tout à coup la raison.

Michel.

Ce n’est pas de cela que je la soupçonne.

Fabrice.

Et de quoi donc ? Supposons-lui un amour ignoré,