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C’est pour courir la nuit à leurs lieux d’assemblée
Que se cachent ainsi les barbares vaincus.
Puis-je porter secours à des maux inconnus ?
Que ne se montrent-ils ? pourquoi fuir ma présence ?

Frédégonde.

Ces barbares, seigneur, sont plus fiers qu’on ne pense.
Ils ne se montrent pas pour un morceau de pain ;
Leur visage est voilé lorsqu’ils tendent la main.

Le Roi.

Qu’ils gardent donc en paix cet orgueil solitaire
Qui les fait exiler du reste de la terre !
C’est chez ces mendiants que tu prétends aller ?

Frédégonde.

Oui, mendier comme eux, avec eux m’exiler.

Le Roi.

Comme eux sans doute aussi, sur vos autels funèbres,
Offrir un culte impie à l’esprit des ténèbres ?
Tu ne me réponds pas ? au nom du Tout-Puissant !
Tes mains, du moins, tes mains auraient horreur du sang !

Frédégonde.

Peut-être. Adieu, seigneur, je vois venir la reine[1].

Le Roi.

Comment m’y refuser et comment consentir ?

Frédégonde.

Ne vous alarmez pas ; c’est moi qui vais partir.

  1. Il manque ici un vers dans le manuscrit.