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Rachel.

Nous allons jouer, cet été, Marie Stuart ; et puis Polyeucte ; et-peut-être…

Moi.

Eh bien ?

Rachel, frappant du poing sur la table.

Eh bien, je veux jouer Phèdre. On me dit que je suis trop jeune, que je suis trop maigre, et cent autres sottises. Moi, je réponds : C’est le plus beau rôle de Racine ; je prétends le jouer.

Sarah.

Ma chère, tu as peut-être tort.

Rachel.

Laisse-moi donc ! Si on trouve que je suis trop jeune et que le rôle n’est pas convenable, parbleu ! j’en ai dit bien d’autres en jouant Roxane ; et qu’est-ce que cela me fait ? Si on trouve que je suis trop maigre, je soutiens que c’est une bêtise. Une femme qui a un amour infâme, mais qui se meurt plutôt que de s’y livrer ; une femme qui a séché dans les feux, dans les larmes, cette femme-là ne peut pas avoir une poitrine comme celle de madame Paradol. Ce serait un contre-sens. J’ai lu le rôle dix fois, depuis huit jours ; je ne sais pas comment je le jouerai, mais je vous dis que je le sens. Les journaux ont beau faire ; ils ne m’en dégoûteront pas. Ils ne savent quoi inventer pour me nuire, au