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oublié au théâtre ses bagues et ses bracelets ; elle envoie sa bonne les chercher. — Plus de servante pour faire le souper ! Mais Rachel se lève, va se déshabiller et passe à la cuisine. Un quart d’heure après, elle rentre en robe de chambre et en bonnet de nuit, un foulard sur l’oreille, jolie comme un ange, tenant à la main une assiette dans laquelle sont trois biftecks qu’elle a fait cuire elle-même. — Elle pose l’assiette au milieu de la table, en nous disant : « Régalez-vous ; » puis elle retourne à la cuisine, et revient tenant d’une main une soupière pleine de bouillon fumant et de l’autre une casserole où sont des épinards. — Voilà le souper ! — Point d’assiettes ni de cuillers, la bonne ayant emporté les clefs. Rachel ouvre le buffet, trouve un saladier plein de salade, prend la fourchette de bois, déterre une assiette et se met à manger seule.

« Mais, dit la maman, qui a faim, il y a des couverts d’étain à la cuisine. »

Rachel va les chercher, les apporte et les distribue aux convives. Ici commence le dialogue suivant, auquel vous allez bien reconnaître que je ne change rien.

La mère.

Ma chère, tes biftecks sont trop cuits.

Rachel.

C’est vrai ; ils sont durs comme du bois. Dans le temps où je faisais notre ménage, j’étais meilleure cuisinière que cela. C’est un talent de moins. Que vou-