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Qui ne connaît l’air Cœurs sensibles, cœurs fidèles, et cet autre : Toujours, toujours, il est toujours le même ? Ils sont de Beaumarchais, aussi bien que les paroles[1].

Piis, qui a fait tant de chansons, parmi lesquelles il s’en trouve de fort plaisantes, Piis trop oublié (mais quoi ! la postérité est si occupée aux contemporains !), ce Piis, dont Beaumarchais disait par forme d’oraison : Auge piis ingenium, s’est mêlé aussi de composer des airs. On a retenu de lui : Mes bons amis, pourriez-vous m’enseigner, et Décacheter sur ma porte, mieux tournés et plus gais que beaucoup d’airs des grands faiseurs de l’Opéra-Comique.

Toute la génération qui achève aujourd’hui de s’écouler a chanté la Treille de sincérité, sans se mettre en peine de qui était cet air si vif, si joyeux, si bien adapté au sens des paroles. Il est de l’auteur de ces paroles, de Désaugiers lui-même, qui en a fait bien d’autres, sans jamais attacher la moindre prétention à ce talent chez lui héréditaire. L’air de la première ronde du Départ pour Saint-Malo, sur lequel Béranger a composé les Gueux, est encore un échantillon de la musique de Désaugiers.

Je m’arrête, car insensiblement je pourrais faire ainsi deux volumes. Ces exemples suffisent pour montrer que de tout temps les bons chansonniers ont eu d’heureuses inspirations musicales. On verra tout à l’heure que le privilège d’un double lyrisme ne s’est pas amoindri dans le génie de Béranger.

Par malheur, Béranger, qui ne sait pas noter comme il sait écrire, n’a mis aucune importance aux airs qui lui venaient à la tête. Il les chantait avec ses amis, et puis il les oubliait. J’en ai sauvé trois, que j’ai scrupuleusement écrits sous sa dictée, et dont, après audition réitérée, il a approuvé l’exactitude.

L’un de ces airs, Béranger le composa pour un projet d’opéra-comique de lui, — (Béranger avoue même des tragédies exécutées, poussées à bout !) — que Wilhem devait mettre en mu-

  1. Les autres morceaux de musique du Mariage de Figaro sont de Baudron, chef d’orchestre du Théâtre-Français.