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et fut nommé premier pilote : il n’avait pas 19 ans ; on sait quelle était alors l’importance de cet emploi. Willaumez l’exerça de telle sorte, qu’il reçut de Louis XVI un cercle de réflexion, accompagné d’une lettre flatteuse du maréchal de Castries, ministre de la marine.

En 1789, il était enseigne sur le vaisseau le Patriote, monté par M. d’Entrecasteaux, envoyé à la recherche de La Pérouse. Ce chef d’escadre emportait avec lui, pour Willaumez, les brevets de lieutenant de vaisseau et de chevalier de Saint-Louis, qui furent décernés à ce dernier avant l’époque fixée par le ministre. Les navigateurs français apprirent à Java les grands événements qui se passaient en France. M. d’Entrecasteaux était mort. Son successeur, le capitaine d’Auribeau, se déclara l’adversaire de la Révolution, fit arborer le drapeau blanc, et livra aux Hollandais ceux de ses officiers qui lui refusèrent leur concours. M. Willaumez fut au nombre de ceux-ci. Lorsqu’il eut relâché, il ramena à l’île de France ses compagnons d’infortune. Cette colonie était bloquée par une division anglaise ; deux frégates furent choisies pour tenter de faire lever le blocus ; Willaumez était à bord de l’une d’elles en qualité de volontaire ; le combat livré à deux vaisseaux anglais fut brillant et heureux, et l’île fut eu effet débloquée. Le gouvernement éleva M. Willaumez au grade de capitaine de vaisseau, et lui confia le Platon, qu’il dût bientôt quitter. Sur la Régénérée, il fit partie de la division de frégates de l’amiral Sercey, envoyée dans les mers de l’Inde par le ministre Truguet. Cette campagne fut très-glorieuse pour Willaumez, qui assista au combat livré aux Anglais dans le détroit de Malacca, et fut nommé chef de division à son retour en France.

Lors de la fatale expédition de Saint-Domingue, le commandant Willaumez fut chargé du commandement de la station navale établie sur les côtes de la partie du sud de l’île. Sa conduite dans cette circonstance fut digne d’éloges. En revenant en France, il fut attaqué par un vaisseau de ligne anglais qui avait une artillerie plus que double et un équipage quadruple ; il parvint, par une manœuvre aussi prompte qu’habile, à prendre une position qui lui permît d’envoyer toute sa bordée dans la poupe du vaisseau anglais ; cette bordée fut décisive ; le dommage qu’en reçut le vaisseau le força à reprendre le large. Ce combat a fourni le sujet d’un tableau. Willaumez fit réparer sa frégate aux États-Unis, se trouva enfermé par les glaces à Baltimore, les fit scier par les matelots sur une longueur de près d’une lieue, reprit la mer malgré la station anglaise, échappa par sa manœuvre à un autre vaisseau de ligne qui lui coupait la route, et fut élevé par l’Empereur au grade de contre-amiral, commandant de l’escadre légère de l’armée navale de Brest. Cette portion de l’armée eut seule occasion de se battre ; lors de la dislocation de l’armée navale de Brest, on confia au contre-amiral Willaumez, six vaisseaux et deux frégates, avec mission de se porter sur tous les points où il jugerait pouvoir causer le plus de dommages à l’Angleterre. Cette position était délicate sous certains rapports : Jérôme, frère de l’Empereur, était de l’escadre comme capitaine de vaisseau et s’éloignait de la France avec déplaisir, et son mécontentement ajoutait aux embarras de l’amiral. Quoiqu’il en soit, l’expédition fit au commerce anglais un tort évalué à douze ou quinze millions. Le 20 août 1806, l’escadre fut assaillie par une tempête si affreuse, que l’amiral lui-même déclara n’en avoir jamais vu de semblable : les vaisseaux furent dispersés et coururent les plus grands dangers ; presque tous démâtèrent