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frayeur ; elle abandonne le champ de bataille comme elle l’avait enlevé, sans même être poursuivie par la cavalerie ennemie. Le général lui-même, renversé de son cheval, revint à pied du milieu des Anglais ; i) rencontra enfin, près du pont d’où il était parti, une division qui s’ébranlait au pas, les ordres lui avaient été donnés trop tard. Celte division ne fit que des attaques infructueuses contre l’ennemi sur ses gardes. — À la guerre, on ne manque pas si impunément l’à-propos, et la nombreuse cavalerie de l’aile gauche de l’armée ne fut pas employée à saisir le joint et à s’y précipiter. Ce fut un grand malheur pour l’armée, pour la France, que l’éloignement des trois brigades de la réserve de cuirassiers. Si elles eussent été en ligne et prêtes à profiter de cette heureuse témérité à se jeter au milieu de l’ennemi, peut-être, en moins d’une heure, c’eût été fait de l’armée anglaise, elle eût disparu sous les pieds des chevaux et sous le fer des cavaliers, et cette journée eût valu à la France un de ces résultats qui décident des destinées des empires. En effet, l’armée anglaise anéantie, l’armée prussienne, pressée à la tête et prise en flanc, ne pouvait échapper à un désastre complet ; elle n’eût pas repassé le Rhin. La victoire eût promptement ramené sous le drapeau français les Belges, les riverains du Rhin, et l’on eût eu bon marché des Autrichiens et des Russes : c’était là le plan de Napoléon. Le maréchal Ney, par son inaction fatale, le contraignit de remettre tout au hasard d’une bataille. — La journée de Ligny avait eu pour résultat la retraite de l’armée prussienne sur Tilly et Gembloux, où elle fut rejointe dans la nuit par le corps d’armée de Bulow. En apprenant la défaite des Prussiens, le duc de Wellington sentit la nécessité d’appuyer leur flanc droit ; il jugea donc nécessaire de se retirer pendant la nuit, ne laissant aux Quatre-Bras qu’une faible arrière-garde, afin de masquer son mouvement. Le maréchal n’en eût pas connaissance ; restant immobile dans ses positions, il attendit des ordres. — 11 ne fut tiré de l’engourdissement dans lequel l’avait laissé plongé son peu de succès de la veille, que par l’arrivée de l’Empereur qui, débouchant le 17 au matin avec ses colonnes sur les Quatre-Bras, obligea l’arrière-garde du duc de Wellington à se replier sur le gros de l’armée. L’Empereur croyait en avoir fini avec les Prussiens. Ignorant, comme le maréchal Ney, le mouvement de l’armée anglaise, il supposait les deux armées ennemies séparées ; il remit à Grouchy le soin de poursuivre les Prussiens, lui recommandant surtout de les harceler sans relâche et de les empêcher de porter secours aux Anglais.

Une sorte de fatalité présidait au sort de Napoléon. À la droite, le maréchal Grouchy perdit la journée du 17 et la trace de Blücher ; à la gauche, la fatigue et l’absence d’ordre condamnaient les troupes à l’inaction. Ce fut à midi seulement que l’Empereur, arrivant aux Quatre-Bras, fit mettre les troupes du maréchal Ney en mouvement pour suivre en tirailleurs l’arrière-garde anglaise. Vers trois heures commença une pluie battante qui dura jusqu’au lendemain matin. L’armée prit position comme elle put pendant la nuit, non sans un peu de désordre et de confusion. L’armée anglo-belge, au contraire, avait fait sa retraite sans être inquiétée, puisqu’on n’avait pas eu connaissance de son mouvement ; elle était établie dès le matin dans le camp qu’elle s’était préparé et n’eut à souffrir ni du mauvais temps, ni du manque de subsistances. — Le système des généraux anglais est de se laisser attaquer ; soit le caractère, le génie militaire des Anglais, soit l’esprit de leur gouvernement