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morcellement du pays, avaient déployé le drapeau blanc à Toulon et à Marseille. En face de ce soulèvement, les soldats de la République furent obligés de se replier vers Avignon, abandonnant Nîmes, Aix, Arles, aux confédérés provençaux, et ceux-ci, encouragés par ces succès, les poursuivaient audacieusement. Enfin les habitants de Lambesc, de Tarascon, réunis aux Marseillais rebelles, se dirigèrent vers la Durance pour marcher sur Lyon, puis sur Paris. Ils espéraient déjà, comme tous les ennemis de la France, briser dans la Convention l’unité nationale et étouffer ainsi la Révolution.

À la première nouvelle de l’approche des insurgés, les républicains, principalement ceux d’Avignon, se réunirent pour s’opposer à eux ; mais quand ils arrivèrent sur les bords de la Durance, les rebelles, maîtres de la rive opposée, s’étaient déjà emparés des pontons qui servaient au trajet de la rivière. On ne pouvait plus les arrêter par la force, leur nombre et un feu soutenu protégeant leurs manœuvres. La seule ressource qui restât au parti républicain était de couper les câbles à l’aide desquels on retenait et on dirigeait les pontons. Le moyen est sûr, mais il est périlleux : il faut traverser une chaussée entièrement exposée à la mousqueterie des rebelles, et derrière laquelle les républicains se sont retranchés. On hésite, et les hommes les plus hardis reculent devant l’imminence du danger.

Alors, un enfant s’élance : c’est Viala, qui s’était échappé d’Avignon à la faveur du trouble qu’avait excité l’approche des Marseillais. En vain on veut le retenir ; il brave le péril, et l’on ne peut s’opposer à son audacieux projet. Il saisit la hache d’un sapeur, il tire sur les ennemis plusieurs coups du mousquet dont il est armé, puis, malgré les balles qui sifflent autour de lui, il parvient au rivage, et, saisissant sa hache, frappe le câble avec vigueur. Le hasard semble d’abord le seconder, il a presque achevé sa tâche périlleuse sans être atteint, quand à ce moment une balle lui perça la poitrine. Il se soulève encore ; mais il retombe sans force en s’écriant : « M’an pas manqua ! Aquo es egaou ; more per la libertat. » (Ils ne m’ont pas manqué ! cela est égal ; je meurs pour la liberté.) » Puis il expira après ce sublime adieu, sans proférer une plainte ou un regret.

La courageuse tentative de Viala, bien qu’elle n’eût pas complètement réussi, ne fut cependant pas inutile. Les insurgés, étonnés de tant d’audace, hésitèrent un instant, et les républicains qui s’étaient précipités sur les pas du jeune Avignonnais, eurent le temps d’accomplir leur retraite ; toutefois, ils ne purent emporter avec eux le corps du jeune héros. En vain l’un de ses camarades qui s’était glissé près de lui, encouragé par son exemple, et qui avait recueilli ses dernières paroles, essaya de l’enlever. Il fut forcé de s’éloigner devant les royalistes qui s’avançaient. Ceux-ci ayant traversé la Durance, insultèrent indignement le cadavre de Viala. Enfin, après l’avoir horriblement mutilé, ils le précipitèrent daos la rivière, se disputant entre eux l’honneur de cette victoire.

Une dernière circonstance vint encore ajouter à l’intérêt qu’inspirait ce noble dévouement. La mère de Viala avait pour lui une extrême tendresse ; quand elle apprit sa mort et les outrages qu’avaient reçus ses restes, rien ne put arrêter ses larmes ni calmer sa douleur. Enfin, un jour on lui dit : Vous aimez votre pays ; eh bien ! pour adoucir votre douleur, songez qu’il est mort pour la liberté. — Ah ! c’est vrai, il est mort pour la patrie, répondit-elle, et ce fut la première consolation qu’elle voulut accepter.

Le dévouement de Viala lui valut les honneurs du Panthéon. Une gravure représentant ses traits fut