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C’est en vers quelquefois que Suwnrow adressait ses rapports à l’impératrice. Ainsi, dans une de ses premières campagnes, après avoir pris la ville de Toutoukaï, en Bulgarie, il en avait instruit Catherine par un distique russe, qu’on peut traduire ainsi.


Gloire à Dieu ! gloire à vous aussi !
La ville est prise, et m’y voici.

Ses ordres du jour et ses proclamations à l’armée étaient souvent aussi rédigés en vers.

En 1792, Catherine voulut en finir avec la Pologne qui s’était soulevée sous les ordres de son dernier héros Kosciusko. Suwarow avait donné à Ismaïlow une preuve d’obéissance qui devait le faire préférer à tous les généraux russes pour cette terrible mission. Ce fut lui, en effet, qui fut chargé d’entrer dans ce malheureux pays, avec un nombreux corps d’armée, pour seconder les opérations du général de Fersen, qui venait déjà d’accabler, par ses forces supérieures, la petite armée polonaise. Kosciusko, criblé de blessures, avait été fait prisonnier, et sa faible troupe était vaincue et dispersée. Suwarow n’était par chargé de vaincre, mais d’anéantir.

Attaquant, avec sa fougue ordinaire, tous les corps polonais qui tenaient la campagne, il marcha droit, sur Varsovie. Le faubourg fortifié de Praga, où une foule de courageux citoyens s’étaient jetés, offrit seul quelque résistance. L’assaut fut donné, l’armée russe marcha suc sept colonnes, s’empara, à une première attaque, des fortifications qu’une artillerie insuffisante défendait, et les chrétiens de Praga furent traités comme les infidèles d’Ismaïlow. On n’épargna ni l’âge, ni le sexe, tels étaient les ordres impitoyables de Catherine : neuf mille victimes humaines furent immolées, sur ce seul point, à la soif insatiable de sang de la grande impératrice.

Varsovie ouvrait ses portes à Suwarow peu de jours après, et quand une députation vint lui présenter les clefs de la ville, il les porta à sa bouche et dit en les élevant vers le ciel : « Dieu tout-puissant, je vous rends grâce de ne m’avoir pas fait payer cette place aussi cher que… » et se tournant du côté de Praga, la voix lui manqua et il versa des larmes. Mais il avait obéi. Catherine était satisfaite ; elle lui écrivit : « Vous savez que je n’avance jamais personne avant son tour ; je suis incapable de faire tort à un plus ancien ; mais c’est vous qui venez de vous faire feld-maréchal vous-même, par la conquête de la Pologne. » Cette lettre accompagnait l’envoi d’une couronne de laurier en or massif parsemée de diamants, et un bâton de commandement aussi en or enrichi de pierreries ; la couronne seule valait cinq cent mille roubles. À ces riches présents, l’impératrice joignit le don de plusieurs propriétés considérables et de vingt mille paysans.

Malheureusement pour Suwarow, sa bienfaitrice, pour laquelle il professait un véritable culte, mourut d’une attaque d’apoplexie foudroyante : il la regretta amèrement toute sa vie. Le successeur de Catherine, l’empereur Paul Ier, commença son règne par faire des innovations dans le système militaire, qui déplurent à toute l’armée, et particulièrement à Suwarow. Il ne put cacher son mécontentement, en voyant l’empereur changer jusqu’à l’ancien uniforme russe pour lui substituer l’uniforme prussien. Paul prétendait tout régler : il avait prescrit la poudre et la queue, réglé la dimension des boucles et la longueur précise de la queue, et envoyait, à cet effet, aux chefs des différents corps d’armée, de petits bâtons devant servir de modèles et de mesures.

Suwarow dit en recevant celui de ces paquets qui lui était adressé : « La poudre à poudrer n’est pas de la poudre à