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prodiguer des marques de sa bienveillance à Riego, dont la marche jusqu’à Madrid eut une sorte de solennité triomphale. Il fut créé maréchal de camp, puis capitaine-général de l’Aragon. Cependant une réaction se fit bientôt sentir dans la marche du gouvernement ; elle fut hautement improuvée par Riego, qui, par ce fait, se vit destitué et envoyé en exil à Lérida, sous le prétexte d’un mouvement démocratique qui éclata à Saragosse, chef-lieu de son gouvernement. Cette disgrâce, dont il arrêta les suites en publiant un Mémoire justificatif de sa conduite, accrut à tel point la popularité de Riego, que son nom devint parmi les comuneros un cri de ralliement. Les élections de 1822 le portèrent aux cortès, où il siégea alors pour la première fois ; il en fut aussitôt nommé président, et s’acquitta de ses fonctions avec plus de talent qu’on ne l’eût espéré. À l’approche de l’armée française, Riego vota, conformément à un article exprès de la constitution, la suspension provisoire de l’autorité royale en même temps que celle de l’assemblée des cortès, qui furent l’une et l’autre remplacées par une régence durant la translation du gouvernement de Séville à Cadix. Envoyé ensuite pour remplacer le général Zaias dans le commandement des troupes stationnées à Malaga, il y débarqua le 17 août, réunit aussitôt 3.000 hommes, qu’il conduisit vers les cantonnements de Ballesteros, fit arrêter ce général par ses soldats après s’être assuré qu’il trahissait la cause des cortès, mais se vit lui-même obligé de renoncer à son entreprise par l’arrivée d’une division française. D’échecs en échecs, il se replia vers Jaën, espérant gagner les montagnes ; l’ennemi ne lui en laissa pas le temps : un autre corps français, parti d’Andujar, le vint placer entre deux feux. Les siens se débandèrent ; il fut grièvement blessé, et ne parvint qu’avec peine à échapper à ses vainqueurs. L’infortuné général, accompagné seulement de deux officiers, erra d’abord pendant deux jours sans guide à travers les sentiers les moins fréquentés ; et bientôt après, un ermite de la Torrer-de-Pedro-Gil et un habitant de Vilches, que la nécessité l’avait obligé de prendre pour conducteurs, se hâtèrent de le livrer avec ses compagnons au magistrat d’Arquillos, et cet alcade les fit conduire tous trois garrottés à la Caroline. Arraché aux cachots de cette ville sur la réclamation d’un officier français pour être dirigé sur le quartier général à Andujar, Riego ne lui fut livré que pour être remis presque aussitôt aux agents du parti dont il avait si généreusement mérité l’implacable haine. On l’envoya à Madrid pour être jugé, et il est digne de remarque qu’on se contenta, pour établir la procédure, du fait qu’il avait voté la suspension du roi à Cadix. Le 4 novembre 1823, au milieu de la nuit, Riego fut transféré à la prison de la Tour ; le lendemain à midi, on le conduisit à la chapelle, assisté de deux moines. Le 7, à midi et demi, la victime fut traînée à l’échafaud au milieu des cris d’une féroce et sanguinaire populace. Le soir, son cadavre fut transporté dans une église voisine et enterré au Campo Santo par la confrérie de la Charité.

Le supplice de Riego fit beaucoup de sensation en France et en Angleterre. L’épouse du général et son oncle, Don Miguel del Riego, chanoine d’Oviedo, qui s’étaient réfugiés à Londres, sollicitèrent par lettres l’ambassadeur de France, M. le prince de Polignac, et le ministre des affaires étrangères de France, à l’effet d’obtenir l’intervention du gouvernement de S. M. T. C. auprès de Ferdinand VII en faveur du général Riego. L’ambassadeur français répondit avec quelque politesse, mais le ministre