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Napoléon le fait conjurer d’arrêter l’ennemi dans la plaine deux heures seulement encore. « Dites-lui que j’y resterai deux heures, vingt-quatre heures, toujours, a répondu Masséna, et il tient parole. Montrez au- même moment le vainqueur de Landshûtt couvrant de son corps l’île de Lobau. Ses cartouches sont épuisées, sa main est fracassée, il a déjà repoussé sept fois l’ennemi à la baïonnette ; et Napoléon, qu’il préserve, lui envoie dire de cesser un combat désespéré. Mais le général français montre à l’aide-de-camp le danger, et, calme comme sur un champ de manœuvres ; « Non, répond-il à Rapp, vous savez le « métier ; dites à l’Empereur qu’il achève « sa retraite, et que, quant à moi, je « n’ai d’autre parti à prendre ici que de a me faire tuer sur place ! ’ »

Cependant l’ennemi, étonné de ce double dévouement, s’est arrêté, il n’a osé achever ; la France et son chef ont été sauvés pour trois ans encore, et l’Empereur reconnaissant proclame Masséna prince d’Esslingen ! Quant à Mouton, qu’il appelait son lion : « Sans Masséna, lui a-1—il dit, vous eussiez mérité le nom d’Esslingen ! » et par une même reconnaissance il veut qu’à l’avenir le surnom glorieux de comte de Lobau soit ajouté à ses insignes.

Après Esslingen pourtant, il fallait Wagram ; mais la tige de notre gloire venait d’être héroïquement conservée, et nos lauriers repoussèrent si hâtifs, que la main blessée du comte Lobau saignait encore, lorsqu’elle en cueillit de nouveaux sur cet autre champ de bataille.

Cette fois enfin, la paix et l’archiduchesse sont conquises ; et pendant que la fortune impériale monte à son comble par la naissance du roi de Rome, Napoléon confie secrètement au comte de Lobau la révision du personnel de l’armée entière. Il se"repose en lui ; il juge H.

que nul, autant qu’un chef d’un mérite si reconnu, ne saurait aussi bien reconnaître celui de tous ses compagnons d’armes.

Alors commence, en 1812, cette grande marche, d’abord triomphale et irrésistible, mais contre nature, du Midi contre le Nord, que termine la plus épouvantable des catastrophes. C’est là que, grand officier de l’ordre d’Honneur, le comte de Lobau, comme aide-major général, dirige une infanterie de 500,000 hommes. Mais pour la plupart de tant d’infortunés l’hiver russe sera sans printemps ! Il commence, et bien plus que les flots de ces contrées, ces flots de soldats, naguère si rapides, s’arrêtent et demeurent glacés, d’une glace pour eux étemelle ! Dans cet effroyable naufrage, à peine quelques guerriers épars restent debout, et parmi ceux-là, c’est encore Lobau que Napoléon appelle, quand il en choisit trois seulement pour les ramener en France avec lui, et pour y recréer une armée nouvelle.

En effet, à peine Napoléon a-t-il touché la terre héroïque, que tel que le géant des temps fabuleux, il s’est redressé formidable ! L’Allemagne le croit seul et désarmé, et dès les premiers mois de 1813 elle le voit soudainement reparaître aux champs de Lutzen à la tête de 300 canons et de 300,000 hommes. Le plus célèbre des tombeaux qu’une mort guerrière ait consacré est le rendez-vous qu’il leur donne. Mais là, surprise à son tour dans sa marche rapide, sa jeune armée, frappée subitement dans son flanc droit, chancelle, près de périr, en vue des cendres de Gustave-Adolphe. Pourtant Marmont et toujours Ney, s’appuyant sur nos braves marins, résistent encore ; mais à Raya, une trouée mortelle est ouverte ! Napoléon y place Lobau : à la voix de ce général nos soldats, se rallient, ils se raffermissent, l’ennemi s’arrête, le combat