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est misérable. Toutes les expéditions sur mer qui ont été entreprises depuis que je suis à la tête du gouvernement, ont manqué, parce que les amiraux voient double et ont trouvé, je ne sais où, qu’on peut faire la guerre sans courir aucune chance, etc.

« Sur ce, etc. NAPOLEON. » Cologne, 28 fructidor an XII.

A Monsieur Decrès, ministre de la marine, je vous ai déjà exprimé tout ce que je ressentais de la conduite du général Linois. Il ta rendu le pavillon français la risée de l’Europe. Le moindre reproche qu’on peut lui faire, c’est d’avoir mis beaucoup trop de prudence dans la conservation de sa croisière. Des vaisseaux de guerre ne sont pas des vaisseaux marchands. C’est l’honneur que je veux qu’on conserve, et non quelques morceaux de bois et quelques hommes. Le mépris, en Angleterre, est au dernier point de la part des officiers de marine. Je voudrais pour beaucoup que ce malheureux événement ne fût pas arrivé ; je préférerais avoir perdu trois vaisseaux, etc.

« Sur ce, etc. NAPOLEON. »

Malgré tout ce mécontentement, si vivement exprimé, l’Empereur nomma Linois commandant de la Légion-d’Honneur le 25 prairial an XIII ; c’est que, probablement, de nouveaux renseignements lui étaient arrivés et qu’il avait reconnu que le rapport du général Decaen n’était pas exempt de partialité.

Quoi qu’il en soit, à l’arrivée de Linois, le traité de paix venait d’être authenti-quement déchiré, et c’est la guerre que le capitaine général de nos deux seules les possessions de l’Inde doit se disposer à faire avec un vaisseau de ligne, contre les maîtres orgueilleux de tout l’Orient maritime. Decaeri commandera les forces de terre, Linois les forces de mer, c’est-à-dire le Marengo et les trois frégates. Le 16 vendémaire an XII, l’amiral appareilla, avec sa division, pour aller jeter à Batavia quelques troupes bataves. Dans sa route il rencontra et brûla quatre ou cinq gros navires d6ela compagnie des Indes. L’important comptoir de Bencoolen dans l’île de Sumatra est sur son chemin : il le détruit en passant. Après avoir effectué le débarquement de ses troupes passagères sur les côtes de Java,il court, sans laisser de traces de sa route, établir sa mystérieuse croisière à l’ouverture même des mers de la Chine. Un convoi de riches galions sort avec sécurité de Macao, et tombe sous la volée de l’escadrille brestoise, qui combat les navires de guerre de l’escorte, et s’empare, à la suite de la plus vive et de la plus brillante action, d’une partie des riches navires qu’elle a dispersés à coups de canon.

Vingt millions de francs, produit des prises capturées dans cette courte et éclatante campagne, signalèrent le commencement des hostilités entre l’Inde française réduite aux îles de France et de la Réunion, et l’Inde anglaise qui embrassait déjà tout le continent indien.

Trois autres courses aussi belles, aussi habilement dirigées, rendirent le vaisseau le Marengo l’effroi du commerce anglais dans les mers qu’il parcourait. Le 17 thermidor, une flotte de bâtiments de guerre chargée de troupes et escortée par le vaisseau anglais le Bleinhein, de 80 canons se range en bataille pour recevoir l’attaque du vaisseau français, qui seul s’avance pour le combattre à demi-portée de pistolet, et qui, après l’avoir canonné pendant plusieurs heures, ne consent à l’abandonner que lorsque le mauvais temps le force à aller se mettre en cape au large de cette flotte, étonnée de tant d’audace et de bonheur. Mais, pendant ces croisières glorieuses, les îles françaises que le Marengo avait momentanément