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perdre, et cette fois Lamarque ne pouvait attendre la nuit; on découvrait à l’horizon toute la flotte anglaise que le bruit du canon avait attirée hors du port de Panza. Il fallait s’emparer du rivage avant l’arrivée de cette Hotte, ou sans cela elle jetait dans l’île trois fois autant d’hommes qu’en avait celui qui était venu pour la prendre, et obligés, devant des forces si supérieures, de se renfermer dans le fort Sainte-Barbe, les vainqueurs étaient forcés de se rendre ou d’y mourir de faim.

a Le général laissa cent hommes de garnison dans le fort Sainte-Barbe, et avec les mille hommes qui lui restaient, tenta la descente. Il était dix heures du matin, Lamarque n’avait moyen de rien cacher à l’ennemi; il fallait achever comme on avait commencé, à force d’audace. Il divisa sa petite troupe en trois corps, prit le commandement du premier, donna le second à l’adjudant-général Thomas et le troisième au chef d’escadron Lérion; puis, au pas de charge et tambour battant, il commença à descendre.

a Ce dut être quelque chose d’effrayant à voir que cette avalanche d’hommes se ruant par cet escalier jeté sur l’abîme, et cela sous le feu de soixante à quatre-vingts pièces de canon. Deux cents furent précipités qui n’étaient que blessés peut-être, et qui s’écrasèrent dans leur chute ; huit cents arrivèrent au bas et se répandirent dans ce qu’on appelle la Grande Marine. Là on était à l’abri du feu, mais tout était à recommencer encore, ou plutôt rien n’était achevé: il fallait prendre Capri, la forteresse principale, et les forts Saint-Michel et San-Salvador.

« Alors, et après l’œuvre du courage, vint l’œuvre de la patience: quatre cents hommes se mirentau travail; en avant des thermes de Tibère, dont les ruines puissantes les protégeaient contre l'artillerie de la forteresse, ils commencèrent à creuser un petit port, tandis que les quatre cents autres, retrouvant dans leurs embrasures les canons ennemis, tournaient les uns vers la ville et préparaient des batteries de brèche, tournaient les autres vers les vaisseaux qu’on voyait arriver luttant contre le vent contraire, et préparaient des boulets rouges.

« Le port fut achevé vers les deux heures de l’après-midi ; alors on vit s’avancer de la pointe de Campanetta les embarcations renvoyées la veille et qui revenaient chargées de vivres, de munitions et d’artillerie. Le général Lamarque choisit douze pièces de 24,400 hommes s’y attelèrent, et à travers les rochers, par des chemins qu’ils frayèrent eux-mêmes à l’insu de l’ennemi, les traînèrent au sommet du mont Salaro qui domine la ville et les deux forts. Le soir, à six heures, les douze pièces étaient en batterie. Soixante à quatre-vingts hommes restèrent pour les servir ; les autres descendirent et vinrent rejoindre leurs compagnons.

« Mais, pendant ce temps, une étrange chose s’opérait. Malgré le vent contraire, la flotte était arrivée à portée de canon et avait commencé le feu. Six frégates, cinq bricks, douze bombardes et seize chaloupes canonnières assiégeaient les-assiégeants qui, à la fois, se défendaient contre la flotte et attaquaient la ville. Sur ces entrefaites, l’obscurité vint ; force fut d’interrompre le combat ; Naples eut beau regarder de tous ses yeux, cette nuit-là le volcan était éteint ou se reposait.

« Malgré la mer, malgré la tempête, malgré le vent, les Anglais parvinrent pendant la nuit à jeter dans l’île 200 canonniers et 500 hommes d’infanterie. Les assiégés se trouvaient donc alors près d’un tiers plus forts que les assiégeants.