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L’attaque contre les îles de la Madeleine n’eut aucun succès. On prétend que Paoli ne fut point étranger à l’insuccès de l’expédition de Sardaigne ; car il aurait dit à son neveu Césari Roca, commandant l’attaque contre la Madeleine : Souviens-toi, César, que la Sardaigne est l’amie naturelle de la Corse, et que les rois de Piémont ont de tout temps été nos alliés ; fais donc en sorte que cette expédition s’en aille en fumée.

Après la malheureuse expédition de Sardaigne, Napoléon alla rejoindre son bataillon de volontaires à Corté.

Le 8 mars 1793, il fut nommé capitaine-commandant au 4e régiment d’artillerie.

Paoli, ayant formé le projet d’abandonner la cause de la France, en fit part à Napoléon, et, pour lui faire partager son opinion, il lui fit un magnifique éloge de l’heureuse constitution et des belles récompenses qui l’attendaient en Angleterre, s’il voulait prendre du service dans les armées de ce pays. Il lui dépeignit en même temps l’affreuse anarchie qui désolait la France, et les malheurs inévitables dont elle était menacée. Napoléon lui répondit :

« Eh quoi ! se séparer de la France ? cela ne sera jamais. Nos plus chers intérêts, nos habitudes, nos coutumes, l’honneur, la gloire, les serments solennels, tout exige que la Corse reste éternellement française. L’anarchie actuelle, fille des grandes révolutions, ne sera qu’éphémère. Tout doit changer : l’ordre renaîtra infailliblement, les lois se régleront sur les idées du siècle, et la France ne tardera pas à s’élever grande et majestueuse, jusqu’au faîte de la gloire ! — Vous, général, vous avez parlé de l’Angleterre, protectrice des peuples libres ! — Quelle erreur ! — Eh puis ! l’immense éloignement, la langue, notre caractère, les dépenses énormes, incalculables, tout ne s’oppose-t-il pas impérieusement à l’union avec le tyran des mers et des pays qui ne sont point l’Angleterre3 ! »

Paoli, déconcerté et tout hors de lui-même, hausse les épaules, entre dans son cabinet, en ferme brusquement la porte et laisse Napoléon seul dans sa chambre.

Celui-ci connaissait le caractère irritable et vindicatif du vieux général, il ne perdit donc pas de temps : il monta à cheval et se rendit par des sentiers détournés chez un certain Bagaglino qui gardait les troupeaux de la famille Bonaparte. Après s’être reposé pendant un jour, il envoya un homme sûr à Ajaccio, qu’il chargea de remettre un billet à sa mère, dans lequel il l’engageait à aller se mettre en sûreté avec sa famille à Calvi, où il irait de son côté les rejoindre ; n’ayant ni encre, ni papier, il avait écrit ce billet sur une lettre qu’il trouva dans sa poche, avec de la suie et une branche d’arbousier qu’il aiguisa à cet effet.

Son émissaire (Marmotta) fut rencontré près d’Ajaccio par des soldats qui lui firent subir un interrogatoire minutieux sur le lieu d’où il venait, sur les motifs qui l’amenaient à Ajaccio… Il fut assez heureux pour leur faire prendre le change : il continua sa route et il remit sa lettre à madame Lætitia qu’il trouva dans des transes mortelles ; elle savait déjà que son fils était parti de Corté, car le commandant d’Ajaccio, créature de Paoli, avait envoyé chez elle des gendarmes pour l’arrêter s’ils l’y trouvaient.

Madame Lætitia et sa famille s’embarquèrent pendant la nuit et se rendirent à Calvi. Dans une consulte de toutes les communes de la Corse, qui se tenait à Corté, dont Paoli était président, et Pozzo di Borgo (depuis ambassadeur de Russie en France) procureur général, on