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l’ordre, remit l’agriculture en vigueur, et releva les batteries des côtes ; mais si son administration fut sage et habile, il ne put échapper à l’accusation d’avoir commis quelques dilapidations. Quelque temps après, il se rendit maître de l’île suédoise de Saint-Barthélémy, où les rebelles de Saint-Domingue faisaient un commerce interlope, et, de 1809, de nombreux corsaires sortirent des ports de la colonie. La totalité des navires pris sur l’ennemi s’éleva à 734, et le produit de leur vente à 80 millions. La guerre avec l’Espagne et la prise de la Martinique fut un signal de mort pour la Guadeloupe ; bloquée de tous côtés par les forces maritimes des Anglais, elle vit tomber successivement en leur pouvoir les petites îles de sa dépendance et se trouva bientôt réduite à la plus affreuse misère. Là majeure partie des troupes avaient péri, et les habitants désespérés parlaient chaque jour de se rendre ; dans ces circonstances, 11,000 hommes de troupes anglaises, commandés par le général Becwith, opérèrent une descente sur les côtes de la Capestère, et attaquèrent le général Ernouf par trois côtés à la fois ; celui-ci battit l’ennemi sur deux points, mais ayant perdu la moitié de son monde, il fut contraint de signer, le 6 février 1810, une capitulation, par suite de laquelle lui et ses malheureux compagnons furent conduits en Angleterre.

Atteint d’une maladie déclarée mortelle, il obtint l’autorisation de rentrer en France, débarqua le 27 avril 1811 à Morlaix, et obtint son échange quelques mois après. Napoléon, irrité de la perte de la Guadeloupe, avait rendu, le 18 juillet 1811, un décret prononçant la mise en accusation du général Ernouf comme accusé d’abus de pouvoir, de concussion et de trahison. Le résultat de la commission d’enquête, présidée par le maréchal Moncey, fut envoyé au comte Regnault-Saint-Jean-d’Angely, procureur général de la haute Cour impériale qui, aux termes de la constitution, avait le droit exclusif de juger les capitaines généraux ; mais les conclusions du procureur général furent, que la haule Cour n’était pas suffisamment organisée pour entamer une procédure. On renvoya donc l’affaire devant la Cour de cassation pour assigner une juridiction au général, et le ministère public conclut à son renvoi davant le tribunal de première instance. Cette nouvelle procédure n’eut aucune suite, et cette affaire, qui retint vingt-trois mois le général Ernouf en captivité, eut pour premier résultat son exil à cinquante lieues de la capitale, sans pouvoir obtenir qu’un conseil de guerre prononçât sur son sort.

Louis XVIII, à son retour en France, rendit une ordonnance, où il était dit qu’en considération des difficultés immenses qu’on éprouvait à recueillir les témoignages, et en raison surtout des services rendus par le général Ernouf à sa patrie, la procédure dirigée contre lui serait annulée. Créé chevalier de Saint-Louis, le 20 août de la même année, et nommé inspecteur général d’infanterie, le 3 janvier 1815, il se rendit en cette qualité à Marseille, où il se trouvait lors du débarquement de Napoléon à Cannes. Le duc d’Angoulême lui avait confié le commandement du 1" corps de son armée ; mais la défection d’une partie de ses troupes et la nouvelle de la capitulation de ce prince à La Palud l’obligèrent, le 11 avril, à les licencier. Il revint alors à Marseille, où les dispositions prises par le maréchal Masséna, en faveur de la cause impériale, le- déterminèrent à se rendre à Paris. Destitué par un décret impérial du 15 avril 1815, il vit mettre le séquestre sur son hôtel à