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décimaient les troupes et peuplaient les hôpitaux.

Sa réserve parut la preuve d’un secret penchant pour le royalisme, quoiqu’il ne fût pas noble, quoiqu’il n’eût pas émigré. Un ordre d’arrestation l’enleva même au milieu de l’armée, et conduit à Paris, il y attendit son jugement, ou plutôt il se prépara à la mort.

Il allait comparaîlre devant le tribunal révolutionnaire, lorsque la journée du 9 thermidor, en brisant la tyrannie sanglante de Robespierre et de ses complices, rendit la liberté à Daru.

Il ne cessait de demander à être envoyé à l’armée ; mais il était toujours éconduit par des promesses qui ne se réalisaient pas. Enfin, les circonstances lui devinrent plus favorables ; le ministre de la guerre avait besoin d’un administrateu r intelligent, ferme et probe, afin de régulariser le service des subsistances militaires ; il nomma chef de cette division si importante l’ancien commissaire des guerres qui était désigné à son choix par l’opinion publique. Daru entra d’abord au ministère de la guerre en l’an vi. Quelques mois lui suffirent pour établir un ordre parfait dans le service confié à sa surveillance.

Le tranquille travail des bureaux ne convenait pas à l’activité de Daru ; il aimait le mouvement, l’agitation de la vie militaire ; ils étaient même nécessaires à son tempérament. Il demanda et obtint la permission d’échanger la place de chef de division contre les fonctions de commissaire ordonnateur, et partit pour l’armée du Rhin. 11 n’y resta pas longtemps, et fut forcé de revenir à Paris, pour remplir les fonctions de secrétaire général du ministre de la guerre.

C’est qu’un homme habile à discerner le vrai mérite, à lui assigner les postes spéciaux où il peut briller avec le plus

d’éclat et rendre le plus de services, était alors à la tête du gouvernement.

Daru n’avait pas échappé à la perspicacité du premier Consul, qui le nomma secrétaire général du ministère de la guerre, avec le rang d’inspecteur aux revues, puis l’emmena avec lui en Italie.

Daru déploya, sous les yeux de cet excellent juge, les talents dont il avait déjà donné tant de preuves.

Après la bataille de Marengo, il reçut du général en chef de l’armée française une mission qui était un éclatant témoignage de l’estime et de la confiance qu’il lui avait inspirées : nommé l’un des commissaires chargés de veiller aux détails d’exécution de la convention signée par Mêlas etBerthier, il ne tarda pas à revenir à Paris ; il ne devait plus se séparer du chef de l’État. Alors, quelques jours de paix et de bonheur avaient lui pour la France ; un gouvernement régulier avait succédé à l’anarchie et au désordre ; les arts et les lettres sortaient, pour ainsi dire, de leur tombeau, et le signal de leur résurrection était une hymne de reconnaissance au grand homme qui leur promettait une protection éclairée. Daru, admirateur du premier Consul, voulut aussi lui payer le tribut poétique de son enthousiasme, et il emprunta, pour le louer, une forme ingénieuse et délicate ; il adressa à l’abbé Delille une épître pour l’engager à célébrer ses hauts faits et sa gloire.

Dis-moi, souffriras-tu qu’une Muse vulgaire S’empare d’un sujet digne d’un autre Homère ? L’abbé Delille’ garda son inflexible silence ; il ne voulut pas être l’Homère du premier Consul ; mais s’il refusa des vers au chef de l’État, il rendit justice au mérite d’une versification élégante, à l’esprit du poëte. Le jugement du public ne fut pas moins favorable à l’épître de Daru ; mais son poëme intitulé les Alpes,

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