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de salut. Il se porte sur la colonne de droite et aborde sa tête avant qu’elle ait pu se déployer. Les deux régiments de carabiniers royaux, vieille-bande, et un escadron des gardes du corps qui formaient la tête de cette colonne furent taillés en pièces, lâchèrent pied, et entraînèrent dans leur fuite tous les régiments qui les suivaient. La brigade française était à peine remise et reformée de ce choc terrible, que le général Caulincourt la lança sur la deuxième colonne, qui avait commis la faute de trop s’éloigner de la première, dans l’intention sans doute de le couper. Cette seconde colonne s’était déployée et reçut de pied ferme le choc de nos dragons ; mais, quoique trois fois plus forte qu’eux, s’étant laissée déborder par sa droite, où étaient ses meilleurs régiments, elle fut enfoncée et éprouva le sort de la première. L’ennemi, cependant tenta de se rallier, mais la brigade de Marizy ayant effectué son passage sur la rive gauche et accourant pour soutenir le général Caulincourt, les Espagnols se mirent dans la plus épouvantable déroute et furent poursuivis l’épée dans les reins pendant plus de trois lieues. 10,000 hommes d’infanterie mis en fuite, ainsi que 4,000 hommes de cavalerie espagnole, organisée à grands frais sous les ordres du duc d’Albuquerque, qui espérait ôter à notre cavalerie sa supériorité, 20 pièces de canon prises, le passage du pont ouvert à l’armée française, tels furent les résultats de cette journée, dont le succès fut dû à la bravoure de 300 dragons français.

Le maréchal duc de Dalmatie, en rendant compte de cette glorieuse affaire, s’exprime ainsi dans le rapport qu’il adressa à l’Empereur :

« Le passage du Tage, au pont de l’Arzebispo, fait honneur à la 4e division de dragons commandée par le général Lahoussaye, mais particulièrement à la brigade Caulincourt. Ce général a montré dans cette affaire autant de sang-froid que de valeur, et il a prouvé qu’il était officier consommé dans son arme. »

L’Empereur, qui ne laissait jamais les belles actions sans récompense, le nomma général de division le 7 septembre 1809, et lui donna, le 29 novembre suivant, le commandement des cinq brigades de dragons composant la cavalerie du 8e corps de l’armée d’Espagne.

Parti en congé pour rentrer en France le 15 février 1810, il fut ensuite nommé gouverneur des Pages, grand cordon do l’ordre de la Réunion et comte de l’Empire. Appelé à faire partie de l’expédition de Russie, il fut nommé commandant du grand quartier général impérial le 7 juillet 1812, et le 7 septembre suivant, à la bataille de la Moskowa, le général Montbrun ayant été tué dans une charge, l’Empereur le remplaça dans le commandement du 2e corps de cavalerie par le général Caulincourt.

A peine investi de ce commandement, il reçut l’ordre d’attaquer une division russe et de pénétrer dans la grande redoute. Il se mit aussitôt à la tête de la division de cuirassiers du général Wathier, et voici en quels termes le 18e bulletin de la grande armée, daté de Mojaïsk, rend compte de ce beau fait d’armes et de la mort glorieuse de l’intrépide Caulincourt :

« Le général de division comte de Caulincourt, commandant le 2e corps de cavalerie, se porta à la tête du 5e régiment de cuirassiers, culbuta tout, entra dans là redoute de gauche par la gorge. Dès ce moment la bataille fut gagnée… Le comte de Caulincourt, qui venait de se distinguer par cette belle charge, avait terminé ses destinées : il tomba frappé par un boulet. Mort glorieuse et digne d’envie ! ! ! »

Ainsi périt, à l’âge de trente-cinq ans,