Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

Son goût passionné pour les femmes le jetait à tout moment dans toutes sortes de mauvaises aventures ; parlait-on de quelque maison escaladée, de quelque alguasil battu, c’était sur lui que retombait la responsabilité du méfait.

Il était paresseux, débauché, querelleur, effronté, enfin un franc tronero (vaurien), si bien que quand vint pour lui le moment de solliciter le sous-diaconat, l’évêque don Victor Saez le lui refusa.

Le voilà donc sur le payé à vingt-quatre ans, sans état, sans argent, avec une réputation détestable, ne sachant que devenir. Alors arriva à Tortose la nouvelle de la mort de Ferdinand VII. Ce fut un grand bonheur pour l’écolier désappointé, qui s’empressa de profiter de l’occasion.

Sept à huit jours après, vers la mi-octobre 1833, une conspiration fut découverte contre l’autorité de la reine Isabelle II ; Cabrera en était. Le général Berton, gouverneur de la ville, ordonna des poursuites ; le vicaire général don Mateo Sanpons informa contre lui. Il parvint à s’évader et se sauva dans les montagnes, refuge habituel de tous ceux qui ont affaire à la justice dans les villes. Là, il apprit que la forteresse de Morella était tombée au pouvoir d’une insurrection carliste, et il s’y rendit aussitôt pour s’enrôler.

Cette ville de Morella joue un grand rôle dans la vie de Cabrera ; elle a été successivement le berceau, le siége et le tombeau de sa fortune.

C’est la capitale d’un petit pays nommé le Maestrozgo, parce que son territoire était autrefois une grande maîtrise d’un ordre de chevalerie. Le Maestrozgo est admirablement fortifié par la nature, et semble le désigner pour l’établissement d’une seigneurie féodale ou d’une république indépendante.

Il fait partie de la haute Sierra qui sépare les royaumes d’Aragon et de Valence, des montagnes escarpées et presque toujours couvertes de neige y enfermant de longs défilés et des vallées étroites.

C’est dans une de ces vallées qu’est bâtie Morella, sur un rocher qui se détache de la chaîne ; le château occupe la pointe de ce rocher, qui s’élève de plus de trois cents pieds au-dessus du sol. Deux percées donnent entrée dans la vallée, l’une par Monroya vers l’Aragon, l’autre par Villabona, vers le royaume de Valence. Cinq provinces confinent au Maestrozgo, comme des rayons autour du centre, l’Aragon, la Catalogne, le royaume de Valence, la Castille nouvelle et la Manche.

L’importance de ce point est très connue dans ce pays ; c’est sur lui que durent naturellement se porter les premiers efforts de la révolte.

Le baron de Herbès, ancien corrégidor de Valence, et l’alcade de Villaréal, don Joaquin Llorens, n’eurent pas plutôt appris la mort de Ferdinand VII, que, se plaçant à la tête de quelques bataillons royalistes, ils arborèrent l’étendard de Charles V et se dirigèrent sur le Maestrozgo.

Ces deux chefs, renommés par leur noble naissance et leur position sociale, exerçaient une très-grande influence dans ces contrées ; leur prestige attira beaucoup de monde dans les rangs des rebelles.

Le colonel don Victoria Sea, gouverneur de Morella, soit par sympathie d’opinions, soit qu’il ne se crût pas en état de se défendre, leur ouvrit les portes de la place et ils y établirent leur quartier général.

Ce fut alors que Cabrera se présenta. On était dans les premiers jours de 1833. Il arriva dans cette ville, où il devait régner