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L’art élèvera sous le dôme, au milieu du temple consacré au dieu des armées, un tombeau digne, s’il se peut, du nom qui doit y être gravé… Désormais la France, et la France seule, possédera tout ce qui reste de Napoléon ; son tombeau n’appartiendra à personne qu’à son pays… »

L’assemblée, profondément émue par ces paroles, vota par acclamation un crédit spécial d’un million pour la translation des restes mortels de l’empereur Napoléon à l’église des Invalides et pour la construction de son tombeau.

Le 7 juillet 1840, à sept heures et demie du matin, la frégate la Belle-Poule et la corvette la Favorite appareillèrent de Toulon pour Sainte-Hélène.

La frégate était commandée par le prince de Joinville, capitaine de vaisseau ; il était accompagné de M. Charner, son lieutenant ; de M. Hernoux, son aide-de-camp ; de l’enseigne Touchard. Faisaient partie du voyage M. le comte de Rohan-Chabot, chargé de présider à l’exhumation ; les généraux Gourgaud et Bertrand ; l’abbé Félix Coquereau, aumônier de l’expédition ; MM. Saint-Denis, Noverraz, Pierron et Archambault, qui avaient été attachés à divers titres du service de l’Empereur, pendant son séjour à Sainte-Hélène.

Sur la Favorite, commandé par le capitaine Gayet, était M. Marchand, valet de chambre de l’Empereur.

On arriva à Sainte-Hélène. Le prince fut reçu avec tous les honneurs dus à son rang, et immédiatement il mit en rapport M. de Rohan-Chabot avec le général Middelemore, gouverneur de l’île. Il fut convenu que l’on procéderait à l’exhumation et à la translation des restes de l’Empereur sur la Belle-Poule, le l5 du courant.

Le tombeau de Napoléon, situé dans un lieu solitaire appelé la vallée du Géranium, était couvert de trois dalles en tuf, apportées d’Angleterre, placées au niveau du sol. Le monument, si l’on peut appeler de ce nom une simple tombe de village, était entouré d’une grille en fer, solidement fixée sur son soubassement ; deux saules pleureurs, dont un était mort, l’ombrageaient de leur triste feuillage. Le tout était entouré d’un grillage en bois ; tout près, et en dehors de cette enceinte est la fontaine dont l’eau fraîche et limpide plaisait tant à l’illustre captif.

Les travaux de l’exhumation commencèrent le 15 à minuit ; à neuf heures et demie, le cercueil fut découvert et déposé sur le sol à l’aide d’une chèvre. Ce cercueil se composait : 1° d’un coffre en acajou ; 2° d’un autre en plomb ; 3° d’un troisième en acajou ; 4" d’un quatrième en fer blanc légèrement rouillé. C’est dans ce dernier que se trouvait le corps de l’Empereur ; dans le principe, ce cercueil était intérieurement garni de satin ouaté, lequel s’étant par la suite détaché des parois qu’il tapissait, recouvrait les restes du défunt.

On observa que le corps avait conservé une position aisée, la tête reposait sur un coussin, et l’avant-bras et la main gauche sur la cuisse. Les paupières entièrement fermées présentaient encore quelques cils ; des poils d’une teinte bleuâtre qui avaient poussé depuis la mort, ombrageaient le menton ; la bouche, légèrement entr’oùverte, laissait voir trois dents incisives, d’une blancheur parfaite ; les doigts parfaitement conservés avaient des ongles longs, adhérents et très-blancs ; les bottes, s’étant décousues, laissaient passer les quatre doigts inférieurs de chaque pied. Le petit chapeau était placé en travers sur les cuisses ; les épaulettes et les décorations avaient perdu leur brillant, l’étoile d’officier de la Légion d’honneur avait seule conservé tout son éclat ; après deux minutes