Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/200

Cette page n’a pas encore été corrigée

premier des guerriers qui ont étonné le monde. Pendant quinze ou seize ans, il promena le drapeau français des tropiques du Cancer au pôle Arctique, toujours en compagnie de la victoire. À peu près du même âge qu’Alexandre, il se montre comme lui, dès son début, capitaine consommé. Le roi de Macédoine était doué d’un courage supérieur ; mais il faut bien convenir que souvent il manqua de prudence, qu’il fut aussi heureux que téméraire ; il faut convenir aussi qu’il eut affaire à des peuples dégénérés, sans discipline, dégradés par un despotisme abrutissant, tandis que son armée, aguerrie par son père, se composait de l’élite des guerriers de la Grèce ; ses lieutenants étaient tous des hommes du premier mérite, la plupart sexagénaires. Alexandre ne livra que cinq ou six batailles d’une grande importance. Napoléon disputa la victoire dans cinquante combats, la plupart décisifs et tous plus ou moins meurtriers. Qui sait enfin quel aurait été le sort d’Alexandre s’il ne fût pas mort à l’âge de trente-trois ans ?

César est le grand capitaine qui peut seul soutenir le parallèle avec Napoléon ; plusieurs qualités leur sont communes. Ils furent l’un et l’autre doués d’une activité prodigieuse ; ils voyaient de loin, vite et bien, savaient réparer une faute, changer une disposition, prendre un parti sur-le-champ. Pour eux, quand les circonstances l’exigeaient, il n’y avait ni été ni hiver, ils possédaient au suprême degré le talent de se faire obéir ; leurs soldats ne voyaient en eux que des chefs incapables de faillir, des maîtres absolus de leurs vies et de leur sort. Ces deux grands hommes enfin eurent à combattre contre des adversaires capables, par leurs défaites, d’immortaliser leur triomphe.

César, il est vrai, ne survécut point à sa puissance ; mais de combien s’en fallut-il qu’il n’échouât à Munda contre les débris du parti pompéien ? Et si Pompée lui-même avait su profiter des avantages qu’il avait remportés avant la bataille de Pharsale, César n’aurait pas revu la ville de Rome. Et qui sait, au reste, si ce Romain aurait été plus heureux contre les Parthes que le fut après sa mort Antoine, son lieutenant.

César, grand homme de guerre, fut aussi un littérateur distingué. Bien des gens veulent aussi que Napoléon ait été un bon mathématicien et un écrivain du premier ordre : cela n’était pas, et cela ne pouvait pas être. Le jeune Bonaparte fut soldat en sortant de l’École militaire, et dès ce moment, il ne s’appartint plus. Or, il faut du temps pour bien savoir les mathématiques et de l’exercice pour apprendre à tenir la plume ; voilà pourquoi le style de Napoléon est très-incorrect. César, au contraire, avait près de 40 ans lorsqu’il parvint au commandement suprême des légions romaines ; il avait donc eu tout le temps de perfectionner ses études. Disons, pour être vrai, que Napoléon avait apporté en naissant des facultés qui, étant développées, l’auraient placé au rang des savants du premier ordre.

Napoléon est mort malheureux. Eh bien ! presque tous ceux qui sont dignes de lui être comparés ont fini misérablement. Annibal et Mithridate, étant sur le point de tomber au pouvoir des Romains, leurs implacables ennemis, se virent dans la nécessité d’avaler du poison ; Alexandre fut empoisonné par le fils d’Antipater, son lieutenant ; César fut assassiné par des conjurés, au nombre desquels était son fils Brutus ; Pompée fut décapité sous les yeux de sa femme, par les ordres du roi d’Égypte ; Scipion l’Africain mourut dans sa ferme, oublié par des concitoyens ingrats ; Charles XII fut tué par les siens.



16. « Ce n’était point au capitaine Maitland (commandant du Bellérophon) que s’adressait cette accusation de perfidie, quoique cet officier, abusé par sa propre générosité, eût laissé percer l’opinion que son gouvernement répondrait dignement à la confiance du Souverain déchu qui lui venait demander un asile. En passant de son bord sur celui du Northumberland, Napoléon, le voyant triste et comme accablé de ce qu’il s’était si étrangement mépris, lui adressa ces paroles : « La postérité ne peut, en aucune manière vous accuser de ce qui arrive ; vous avez été trompé aussi bien que moi. » — Napoléon avait toujours distingué les Anglais de leur ministère. Peu de temps avant que de se déterminer au parti qu’enfin il embrassa, il disait : « Leur gouvernement ne vaut rien, mais la nation est grande, noble, généreuse : ils me traiteront comme je dois l’être. »
17. O’Méara, dernier chirurgien de Napoléon.
18. Extrait du testament de Napoléon.
NAPOLÉON,
I
Ce jourd’hui 15 avril 1821, île de Sainte-Hélène, etc. Ceci est mon testament.
1° Je meurs dans le sein de la religion apostolique et romaine…
2° Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé.
4° Je recommande à mon fils de ne jamais oublier qu’il est né prince français, et de ne jamais se prêter à être un instrument entre les mains des triumvirs (probablement l’Angleterre, l’Autriche et la Russie) qui oppriment les peuples de l’Europe. Il ne doit jamais combattre ni nuire en aucune manière à la France. Il doit adopter ma devise : Tout pour le peuple français. Je meurs prématurément, assassiné par l’oligarchie anglaise (la noblesse).
6° (Il pardonne à Marmont, Augereau, Talleyrand, La Fayette.)
7° (Il remercie tous les membres de sa famille de l’intérêt qu’ils lui ont porté, et il pardonne à Louis le libelle qu’il a publié en 1820).
8° Je désavoue le manuscrit de Sainte-Hélène… J’ai fait arrêter et juger le duc d’Enghien parce que cela était nécessaire à la sûreté,… à l’honneur du peuple français ;… dans une semblable circonstance, j’agirais encore de même.
II
Je lègue à mon fils les boîtes, ordres et autres objets, tels qu’argenterie, etc., etc. Je désire que ce faible legs lui soit cher, comme lui retraçant le souvenir d’un père dont l’univers l’entretiendra.
(Il lui lègue en outre les vases de sa chapelle, l’épée qu’il portait à Austerlitz, le sabre de Sobieski, son glaive de Consul, son poignard, son couteau de chasse, ses pistolets, le nécessaire d’or qui lui a servi le matin des journées d’Austerlitz, d’Iéna, d’Eylau, de Montmirail ; trente-trois tabatières ou bonbonnières, ses lits de camp, sa lunette de guerre, un de chacun de ses uniformes, douze chemises, ses deux montres, la chaîne de cheveux de l’impératrice, son médailler, l’argenterie et la porcelaine de Sèvres dont il a fait usage à Sainte-Hélène, ses fusils de chasse, quatre cents volumes choisis dans sa bibliothèque, le réveille-matin de Frédéric II, qu’il a pris à Postdam, ses deux sceaux, dont un de France, le manteau bleu qu’il portait à Marengo, etc., etc.
Il lègue 2 millions au comte Montholon ; 300.000 fr. au comte Bertrand, 400.000 à Marchand, son valet de chambre, dont les services qu’il lui a rendus « sont ceux d’un ami. » Viennent ensuite des dons de 100.000 fr. à MM. Saint-Denis, Noverraz, Pierron, l’abbé Vignali, Las-Cases, Lavalette, Larrey, le plus honnête homme qu’il ait connu, les généraux Brayer, Lefebvre-Desnouettes, Drouot, Cambronne, enfants de Mouton-Duvernet, idem de Labédoyère, idem du général Gérard, idem du général Chartran, idem du général Travot, aux généraux Lallemand aîné, comte Réal, Costa Bastalica, général Clausel, baron de Menneval, poète Arnault, colonel Marbot, baron Bignon, Poggi-di-Lavolo, chirurgien Emmery.
Dons de 80.000 fr. à Archambault, de 25.000 à Corsot et Chandelier.
Toutes ces diverses sommes, en cas de mort des légataires, seront payées à leurs veuves et à leurs enfants.
III
2° Je lègue mon domaine privé, moitié aux officiers et soldats restant de l’armée française qui ont combattu depuis 1792 à 1815, pour la gloire et l’indépendance de la nation, … moitié aux villes et campagnes d’Alsace… qui auraient souffert par l’une ou l’autre invasion. Il sera de cette somme prélevé un million pour la ville de Brienne et un million ponr celle de Méry.
Il lègue 10.000 fr. au sous-officier Cantillon, qui a essuyé un procès comme prévenu d’avoir voulu assassiner lord Wellington… « Cantillon avait autant de droit d’assassiner cet oligarque, que celui-ci de m’envoyer pour périr sur le rocher de Sainte-Hélène. »
Ce testament est fort long, et comme il a été fait à plusieurs reprises, il offre des répétitions qui jettent beaucoup de confusion dans son ensemble.

=== XIV Honneurs rendus à la