Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

eut lieu le 19. L’Empereur y parla en ces termes :

« Sénateurs, Conseillers d’État, Députés des départements au Corps législatif ;

« D’éclatantes victoires ont illustré les armes françaises dans cette campagne. Des défections sans exemple ont rendu les victoires inutiles ; tout a tourné contre nous. La France même serait en danger sans l’énergie et l’union des Français. Je vous ai appelés près de moi : mon cœur a besoin de la présence et de l’affection de mes sujets. Je n’ai jamais été séduit par la prospérité : l’adversité me trouvera au-dessus de ses atteintes. J’ai plusieurs fois donné la paix aux nations, lorsqu’elles avaient tout perdu. J’ai élevé des trônes pour des rois qui m’ont abandonné. Monarque et père, je sens que la paix ajoute à la sécurité des trônes et à celle des familles.

« Des négociations ont été entamées avec les puissances coalisées. J’ai adhéré aux bases qu’elles ont présentées ; j’ai ordonné qu’on vous communiquât toutes les pièces originales qui se trouvent au portefeuille de mon département des affaires étrangères. Rien ne s’oppose de ma part au rétablissement de la paix. C’est à regret que je demande à ce peuple généreux de nouveaux sacrifices ; les nations ne traitent qu’en déployant toutes leurs forces. Sénateurs, Conseillers d’État, Députés des départements, vous êtes les organes naturels de ce trône. C’est à vous de donner l’exemple d’une énergie qui recommande cette génération aux générations futures. Qu’elles ne disent pas de nous : « Ils ont sacrifié les premiers intérêts du pays ; ils ont reconnu les lois que l’Angleterre a cherché en vain pendant quatre siècles à imposer à la France. » J’ai la confiance que les Français seront dignes d’eux et de moi. »

Ce discours fut écouté avec le plus vif intérêt, mais les esprits ne se montrèrent pas en ce jour aussi obséquieux qu’on les avait vus dans de semblables solennités les années précédentes.

Les communications qu’on avait promises furent faites à la commission du Sénat par le duc de Vicence, et à la commission du Corps législatif par le conseiller d’État d’Hauterive. Cette commission était présidée par le duc de Massa. L’Empereur ne voulut jamais consentir à ce que le rapport de M. de Saint-Aignan fut mis sous les yeux des deux commissions, il ne permit que les communications des bases.

Le 30 décembre, la commission du Sénat fit son rapport à l’Empereur. Cette assemblée approuvait tous les sacrifices que l’on pourrait demander, mais dans le seul but de la paix : « C’est le vœu de la France, Sire, disait la députation, c’est le besoin de l’humanité. Si l’ennemi persiste dans ses refus ; eh bien ! nous combattrons pour la patrie entre les tombeaux de nos pères et les berceaux de nos enfants. »

L’Empereur répondit : « Ma vie n’a qu’un but, le bonheur des Français. Paix et délivrance de notre territoire doit être notre cri de ralliement. À l’aspect de tout ce peuple en armes, l’étranger fuira ou signera la paix sur les bases qu’il a lui-même proposées. Il n’est plus question de recouvrer les conquêtes que nous avions faites. »

Le Corps législatif, destiné plus particulièrement à défendre les libertés publiques, saisit cette occasion pour se venger de la nullité dans laquelle il s’était tenu pendant dix ans. Dans sa séance du 28, l’orateur de la commission, M. Renouard, fit le rapport suivant : « S’il s’agissait ici de discuter des conditions flétrissantes, Sa Majesté n’eût daigné répondre qu’en faisant connaître à ses peuples les projets de l’étranger ;