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de fumier ; puis, la nuit venue, il passa avec toute l’artillerie sous le canon du fort, sans être entendu. Le redoutable défilé était franchi.

En habile politique, le premier Consul se hâte de rétablir la république cisalpine, afin de se rendre les Italiens favorables. C’est par Milan qu’il doit passer pour aller combattre Mêlas. Chemin faisant, il pousse son avant-garde sur Pavie, où il trouve 200 pièces de canon ; enfin, après quelques combats heureux livrés par ses lieutenants, il entre en libérateur, le 2 juin, dans Milan, où l’on venait seulement d’apprendre l’invasion d’une armée française. Après avoir réorganisé la République, il répand son armée entre le Pô et l’Adda, passe cette dernière rivière et s’empare de Bergame, de Créma, de Crémone, pousse Landon jusqu’à Brescia. Le général en chef, arrivé sur le Pô, prend ses mesures pour en rendre la défense impossible. Loison passe ce fleuve à Crémone, Murat s’empare de la tête de pont de la ville de Plaisance, Lannes force le passage devant Belgiojoso ; c’est là que fut établi le pont où devait passer l’ennemi ; il livre la bataille de Montebello, tue 3.000 Autrichiens et fait 5.000 prisonniers. Mais ce n’était qu’une affaire d’avant-garde, et il fallait se mesurer avec l’armée de Mêlas, réunie entre le Pô et le Tanaro. Le 12 juin, l’armée française, composée des corps de Lannes, Desaix et Victor, borde la Scrivia. La division Lapoype avait ordre de joindre le général Desaix. Le quartier-général était à Voghera. Le 13, le premier Consul traverse, sans éprouver de résistance, contre son attente, les plaines de San-Giulano, fait chasser du village de Marengo 5.000 hommes par le général Gardanne, qui les poursuit jusqu’à la rivière Bormida, et ne peut enlever la tête du pont. Le Consul prend position entre cette rivière et Marengo, à la Pedra-Bona ; de là il envoie les deux divisions Desaix à Castelnove di Scrivia et à Rivalta, pour observer les ailes de l’armée ennemie ; en même temps, il concentre les corps de Lannes et de Victor entre San-Giulano et Marengo.

Le lendemain 14, à quatre heures du matin, on vit l’armée ennemie déboucher au travers du long défilé du pont de la Bormida. Ce ne fut que cinq heures après qu’elle put se porter en avant sur trois colonnes ; elle comptait 40.000 hommes, tous vieux soldats. Au commencement de l’action celle du Consul n’avait que la moitié de ce nombre. Le corps de Victor, qui tenait la gauche, fut vigoureusement attaqué et poussé ; celui de Lannes entra en ligne à droite, et, malgré quelques succès, il fut entraîné par la retraite de celui de Victor. Le premier Consul, prévoyant le danger qui le menaçait, fit tout à coup avancer dans la plaine un corps de vieilles troupes, contre lequel allèrent se briser tous les efforts de l’ennemi. Cette héroïque résistance donna le temps à la division Monnier d’arriver ; celui-ci jeta une brigade dans Castel-Ceriolo : dès ce moment l’ordre de bataille de l’armée française se trouva presque dans une position inverse de celui qu’on lui avait fait prendre le matin, par échelons ; l’aile droite en avant, occupant par sa gauche la route de Tortone : cette position se maintint jusqu’à l’arrivée de la division Boudet, conduite par Desaix. Mêlas, au contraire, avait affaibli sa gauche pour fortifier sa droite, qu’il étendait inutilement vers Tortone.

Il était cinq heures, lorsque Desaix vint couvrir la gauche de l’armée ; l’apparition subite de ce renfort combla les soldats de joie et d’espérance ; sur-le-champ, une attaque générale est ordonnée. Un corps de 5.000 braves grenadiers autrichiens s’avance sur la grande route, Desaix va l’attaquer avec quinze