Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/119

Cette page n’a pas encore été corrigée

salles des pestiférés, parla aux malades, les consola, toucha leurs plaies en leur disant : Vous le voyez, cela n’est rien. Au sortir de l’hôpital, il répondit à ceux qui l’accusaient d’avoir commis une grande imprudence : C’était mon devoir, je suis le général en chef.

De Jaffa, l’armée se dirigea sur Saint-Jean-d’Acre. Chemin faisant, elle prit Kaïffa, où elle trouva des munitions et des approvisionnements de toute espèce. Les châteaux de Jaffet, de Nazareth, la ville de Tyr tombèrent aussi en son pouvoir ; mais elle doit trouver le terme ou plutôt la suspension de ses triomphes sous les murs de Saint-Jean-d’Acre. Cette bicoque, située sur le bord de la mer, pouvait recevoir de ce côté des secours de toute espèce ; la marine anglaise renforçait celle du Grand Seigneur et lui servait comme de guide et d’exemple.

Après soixante jours d’attaques réitérées, après deux assauts meurtriers et sans résultat, la place tenait toujours ferme. Cependant, outre les renforts qu’elle attendait du côté de la mer, une grande armée se formait en Asie par ordre du Grand Seigneur et s’apprêtait a marcher contre les infidèles, et Djezzar, pour seconder ses mouvements, ordonne une sortie générale contre le camp de Bonaparte. Cette attaque est soutenue par l’artillerie et les équipages des vaisseaux anglais. Le général en chef, avec son impétuosité ordinaire, eut bientôt refoulé les colonnes de Djezzar derrière leurs murailles.

Après ce succès, il vole au secours du brave Kléber qui, retranché dans les ruines, tenait tête, avec 4.000 Français, à 20.000 Turcs. Bonaparte conçoit d’un coup d’œil tous les avantages que lui offrent les positions de l’ennemi : il envoie Murat, avec sa cavalerie, sur le Jourdain pour en défendre le passage ; Vial et Rampon marchent sur Naplouze, et lui-même se place entre les Turcs et leurs magasins. Ses dispositions sont couronnées du plus heureux succès. L’armée ennemie, attaquée à l’improviste sur divers points à la fois, est mise en déroute et coupée dans sa retraite ; elle laisse 5.000 morts sur le champ de bataille ; ses chameaux, ses tentes, ses provisions deviennent le prix de la victoire des vainqueurs. Tels furent les avantages remportés à la célèbre bataille du Mont-Thabor.

De retour devant Saint-Jean-d’Acre, Bonaparte apprend que le contre-amiral Perrée a débarqué à Jaffa sept pièces de siège ; il ordonne successivement deux assauts qui sont vigoureusement repoussés. Une flotte est signalée, elle porte pavillon ottoman ; il faut se hâter de prendre la ville avant qu’elle n’ait reçu dans son port le secours qui lui arrive. Une cinquième attaque générale est ordonnée ; tous les ouvrages extérieurs sont emportés, le drapeau tricolore est planté sur le rempart, les Turcs sont repoussés dans la ville, et leur feu commence à se ralentir : encore un nouvel effort, et Saint-Jean-d’Acre est pris ou va capituler. Mais il se trouvait dans la place un émigré français, Phélippeaux, officier du génie, un des condisciples de Bonaparte à l’École militaire. Par ses ordres, des canons sont placés suivant les directions les plus avantageuses ; de nouveaux retranchements s’élèvent comme par enchantement derrière les ruines de ceux que les assiégeants ont emportés. En même temps, Sidney-Smith, qui commande la flotte anglaise, arrive à la tête des équipages de ses vaisseaux. Les assiégés reprennent tout leur courage et se pressent à sa suite. La furie des Français est à son comble ; la résistance n’est pas moins opiniâtre. Enfin trois assauts consécutifs et toujours repoussés apprirent à Bonaparte qu’il serait imprudent de s’obstiner