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ordre d’aller présider au congrès de Rastadt la légation française. Il y signa, avec le comte de Cobentzel, la convention militaire relative à l’évacuation respective des deux armées.

Enfin, Bonaparte quitta Rastadt pour venir triompher à Paris ; il y fut reçu avec un enthousiasme extraordinaire. Le Directoire fut justement effrayé de cette puissance de gloire qu’il ne pouvait braver, ni récompenser dignement. Cependant, comme il ne pouvait se dispenser de s’associer d’une manière quelconque au triomphe du vainqueur de l’Italie, il se décida à lui donner, dans la cour du palais du Luxembourg, une fête extraordinaire ; la pompe qu’il déploya dans cette occasion ne trompa personne, ni celui qui en était l’objet, ni la portion éclairée des spectateurs.

Cette fête eut lieu le 20 frimaire (10 décembre 1797), en présence de presque tous les ambassadeurs des puissances armées. La vaste cour du Luxembourg offrait, entre autres ornements, les drapeaux conquis par l’armée d’Italie, groupés et formant comme un dais au-dessus des cinq directeurs ; ils étaient pour eux, ce que justifièrent les événements, l’épée de Damoclès.

Bonaparte, en remettant solennellement au pouvoir exécutif le traité de Campo-Formio, prononça un discours dans lequel on remarqua cette phrase : « Lorsque le peuple français sera assis sur les meilleures lois organiques, l’Europe entière deviendra libre. » Barras, chargé de lui répondre au nom de ses collègues, dit que la nature avait épuisé toutes ses richesses pour créer Bonaparte. Bonaparte, ajouta-t-il, a médité ses conquêtes avec la pensée de Socrate : il a réconcilié l’homme avec la guerre. Étrange galimathias dans la bouche d’un homme qui se disait républicain par excellence.

Quelques jours après, le héros fut fêté avec non moins d’éclat par les Conseils, dans la grande galerie du Musée, et le département donna le nom de Victoire à la rue Chantereine, dans laquelle il avait sa maison. L’Institut le choisit pour remplacer Carnot, alors proscrit comme royaliste.

Les lettres, les arts s’empressaient autour de lui ; le royaliste de Bonald lui offrit un de ses livres, et le républicain David son pinceau. On rapporte une anecdote qui, si elle n’est point complètement vraie, donne du moins une idée de l’influence que pouvait exercer sur l’esprit de Bonaparte l’enthousiasme extrême dont il était l’objet de la part de la nation tout entière ; la voici : David voulait le représenter à cheval sur le pont d’Arcole ou de Lodi ; Non, répondit-il, j’y serais avec toute l’armée ; représentez-moi de sang-froid sur un cheval fougueux.

L’ivresse, exaltait toutes les têtes ; aux théâtres et dans tous les lieux publics, on n’entendait que le cri de Vive Bonaparte !

Cependant, pour donner de l’aliment à son activité naturelle et un peu de repos à la reconnaissance chagrine du Directoire, Bonaparte partit pour aller inspecter son armée dite d’Angleterre, dont il avait été nommé généralissime quelque temps auparavant. Après avoir parcouru les côtes du Nord, de la Normandie et de la Bretagne, il revint à Paris, rempli d’un projet qui devait l’affranchir de la méfiance du Directoire et de la nullité d’un commandement dérisoire qui ne lui avait été donné que pour le tenir éloigné des affaires et dans l’inaction.

Ce projet avait pour but la mémorable expédition d’Égypte ; l’idée de cette expédition lui était venue au milieu de ses triomphes en Italie : il s’en était ouvert, assure-t-on, au savant Monge, lors de son séjour à Milan.

Pendant qu’il négociait la paix à Passeriano,