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piémontaise et autrichienne ; la première, commandée par Provera et Colli, et l’autre par Beaulieu et Argentan. Ce but fut atteint par une manœuvre savante et inattendue : Bonaparte fond d’abord avec toutes ses forces sur Argentan qui commandait le centre de l’armée ennemie situé à Montenotte, et le rejette sur Dégo et Sacello. Beaulieu, apprenant les désastres du centre, se retire avec précipitation sur Acqui. Provera est fait prisonnier à Cosséria ; les Piémontais, défaits à Monte-Ramoro et à Mondovi, chassés de Cera, fuient sur la route de Turin.

Ces divers combats qui durèrent six jours, eurent pour résultats la prise de quarante pièces de canon, la mise hors de combat de 12.000 Autrichiens, la possession des forteresses de Coni, de Céva, de Tortone, d’Alexandrie : l’occupation presque totale du Piémont, évacué par les Autrichiens ; ce qui mit le roi de Sardaigne dans la nécessité de demander la paix au gouvernement de la République.

Dans la campagne suivante, le général victorieux, maître de son armée, conçoit le projet de faire la conquête de la Lombardie : il est si certain des suites de cette expédition qu’il écrit de Chérasco au Directoire : « Demain je marche sur Beaulieu ; je l’oblige à repasser le Pô ; je le passe immédiatement après ; je m’empare de toute la Lombardie, et, avant un mois, j’espère être sur les montagnes du Tyrol ; de là j’irai joindre l’armée du Rhin, et nous porterons de concert la guerre dans la Bavière… »

Par le traité de paix conclu à Turin avec la cour de Sardaigne, le général français avait eu la précaution de se faire céder le pont de Valence, prévoyant que l’occupation de ce poste attirerait l’attention de l’ennemi et lui ferait prendre le change, tandis qu’il irait de son côté forcer le passage du Pô sur un autre point, ce qu’il exécuta heureusement à Plaisance. De là, il marche rapidement sur Lodi : un pont long et étroit jeté sur l’Adda, qui baigne les murs de la place, est franchi malgré le feu meurtrier de la mitraille des Autrichiens qui défendaient ce passage difficile et dangereux.

Lodi est enlevé, et l’occupation de cette place assure à l’armée victorieuse la conquête de la haute Italie.

Mais le projet de porter la guerre en Allemagne par le Tyrol, qui est toujours l’idée dominante de Bonaparte ne peut s’effectuer avec sécurité tant que la forteresse redoutable de Mantoue sera au pouvoir de l’ennemi. Le général fait ses dispositions pour exécuter les plans qu’il a combinés, et dont la réussite lui parait si certaine qu’il écrit au directeur Carnot : « Si l’action des deux armées françaises qui combattent sur le Rhin n’est point arrêtée par un armistice, il serait digne de la République d’aller signer le traité de paix avec les trois armées réunies au cœur de la Bavière ou de l’Autriche étonnée. »

Cependant le Directoire, surpris autant peut-être de l’audace de son général que jaloux de ses victoires, et prévoyant la haute destinée que ses succès semblaient lui promettre, prit la détermination de ne plus le laisser seul arbitre de la guerre et de la paix : ainsi donc, tout en le félicilant sur sa conquête du Piémont, il le remerciait avec affectation d’avoir abandonné au commissaire civil, Salicetti, le soin de traiter des préliminaires pour la paix, laissant entrevoir le mécontentement que lui avaient causé les armistices qu’il s’était permis de conclure lui-même avec les généraux piémonlais et le duc de Parme.

Bonaparte apprit en même temps qu’on avait le projet de diviser le commandement de l’armée d’Italie entre lui