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courent de côté et d’autre pour brouter et folâtrer, s’il arrive quelquefois qu’un d’entre eux trébuche et tombe dans un ravin, aussitôt toute la troupe s’y jette après lui pour l’en retirer.

Dans le journal que j’ai tenu lors de mon voyage au Cambodge, j’ai dépeint le Mékong comme un fleuve imposant, mais monotone et manquant presque totalement de pittoresque. Ici, la différence est grande. Dans les endroits les plus resserrés, il a encore plus de mille mètres de largeur, et partout il se trouve encaissé entre de hautes montagnes d’où découlent des torrents qui, de cascade en cascade, lui apportent leur tribut : c’est comme un excès de grandeur et de richesse. Sur tout le parcours de ce fleuve immense, l’œil se repose constamment sur des monts couverts d’un riche et épais manteau de verdure.

Le 25 juillet, j’arrivai à Luang-Prabang, charmante petite ville qui, s’étendant sur un espace d’un mille carré, compte une population, non de quatre-vingt mille habitants, comme le dit Mgr  Pallegoix dans son ouvrage sur Siam, mais de sept à huit mille seulement. La situation est des plus agréables ; les montagnes qui resserrent le Mékong, au-dessus comme au-dessous de cette ville, forment une vallée circulaire, dessinant une arène de neuf milles de largeur, qui a dû être jadis un bassin fermé, et encadrent un tableau ravissant, qui rappelle les beaux lacs de Côme ou de Genève.

Si ce n’était le soleil de la zone torride qui brille constamment sur cette vallée, ou si une douce brise tempérait la chaleur accablante qui y règne pendant le jour, je l’appellerais un petit paradis.