Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traversent cette forêt. Je suppose que le nombre de ceux, qui payent leur tribut dans ce terrible passage, soit à la maladie, soit à la mort, doit être considérable dans la saison des pluies. Lorsque tous les torrents débordent, que la terre est partout détrempée, que, d’une extrémité à l’autre, le chemin n’est qu’un chapelet de fondrières, que les rizières sont couvertes de plusieurs pieds d’eau, et qu’après cinq ou six jours de marche dans la vase, le voyageur ne cesse de transpirer au milieu d’une atmosphère d’une puanteur extrême, chaude comme une étuve chargée de miasmes putrides, que de victimes doivent succomber !

Deux Chinois de notre caravane arrivèrent à Kôrat avec une fièvre affreuse. Je pus en sauver un, parce que, prévenu à temps, je lui administrai de la quinine ; mais l’autre, celui qui paraissait cependant le plus robuste, était déjà agonisant quand j’appris qu’il était malade.

Notre premier bivac dans le Dong-Phya-Phaye avait été sur le revers occidental de la montagne. Nous campâmes sur un coteau où nos pauvres bœufs, faute d’herbe, durent apaiser leur faim avec quelques feuilles arrachées aux arbustes. La rivière qui descend de ces hauteurs est celle qui passe près de Kôrat. Sur la colline de la rive opposée, campait une autre caravane de plus de deux cents bœufs.

Bans une gorge de cette montagne, et sur des hauteurs presque inaccessibles et excessivement fiévreuses, j’ai trouvé une petite tribu de Karens qui naguère habitait les environs de Patawi. Pour conserver leur indépendance, ils vivent il peu prés sé-