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et surtout sans faire une guerre incessante à ces affreux moustiques. Phraï et Deng ont toute leur garde-robe sur le dos le jour et la nuit ; je les ai même vêtus d’une double flanelle rouge et de chapeaux de feutre ; on les prendrait pour des garibaldiens, — à leur costume seulement, car ils n’ont rien en eux de tapageur ou de guerrier ; — cependant ils ne manquent pas d’un certain courage qui a aussi son mérite. Ils dansent en chantant autour d’un bon feu, et ils ouvrent de grands yeux quand je leur dis que j’ai vu des fleuves et des rivières plus larges que le Ménam, gelés et sur lesquels les chars les plus lourds pouvaient circuler ; et d’autres où l’on rôtit quelquefois des bœufs entiers, et que souvent, dans ces contrées-là, des hommes et des animaux meurent de froid.

Mon petit Tine-Tine ne dit mot ; il s’enfonce sous ma couverture et y dort à son aise ; cependant si Phraï le tourmente en dérangeant sa literie, il lui montre les dents. Ingrat que je suis, je ne vous ai pas encore parlé de ce petit compagnon qui m’est si fidèle et si attaché, de ce joli et mignon King-Charles que j’ai amené avec moi, et dont toutes les Siamoises, surtout celles qui n’ont point d’enfants, sont éprises, malgré l’aversion que les Siamois témoignent aux chiens généralement ; aversion n’est peut-être pas le mot propre ; mais ils ne caressent jamais ces animaux, qui d’ailleurs demeurent presque tous à demi sauvages. Je crains bien pour ce pauvre chien une triste fin ; qu’il ne soit foulé aux pieds par un éléphant ou qu’un tigre n’en fasse une bouchée.