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tarde pas à la faire trébucher ; puis un de ses congénères civilisé, s’appuyant sur elle de tout son poids, la fait tomber lourdement sur le sol, d’où elle ne se relève que bien et dûment garrottée et captive.

Cette dernière phase de la chasse est la plus dangereuse pour les chasseurs et amène parfois mort d’homme. On me l’a dit, du moins ; mais le cas doit être rare ; d’autant plus qu’on a ménagé, au centre même du kraal intérieur, un fort blockhaus d’un accès très-facile à l’homme, mais dont les énormes palissades sont à l’épreuve de la charge à fond de l’éléphant le plus désespéré.

Une fois ces animaux enfermés dans le kraal, il suffit pour les dompter de quelques jours d’une diète absolue, suivie d’un régime abondant de cannes à sucre et d’herbages frais. L’habitude quotidienne de l’aspect et de la voix de leurs gardiens achève de les apprivoiser.

Ces rudes colosses sont, du reste, à plusieurs égards, d’une timidité extraordinaire. Ils ont des nerfs de jolie femme ; il leur faut longtemps pour s’habituer, sans trembler, à la vue d’un cheval et à la détonation d’une arme à feu. Quand la vie du kraal les a bien soumis à la domesticité, on transporte à Bangkok ceux que le service du roi y réclame, dans des écuries établies sur d’immenses radeaux qui descendent lentement et surtout tout doucement le fleuve.

J’avoue que j’emprunte la plupart des détails qui précèdent plutôt à des récits de personnes dignes de foi qu’à mes propres observations ; car la chasse ou battue dont j’ai été témoin avait bien moins pour objet d’amener à la domesticité un certain nombre