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cercle liquide dont la surface, au milieu du jour, brille d’un éclat que l’œil peut à peine supporter, on reste frappé d’étonnement et d’admiration comme en présence de tous les grands spectacles de la nature.

Au centre de cette mer intérieure est planté un grand mât qui indique les limites communes des royaumes de Siam et de Cambodge ; mais avant de quitter ce dernier pays, disons tout ce qui nous reste à en dire.

L’état présent du Cambodge est déplorable et son avenir chargé d’orages.

Jadis cependant c’était un royaume puissant et très-peuplé, comme l’attestent les ruines splendides qui se trouvent dans les provinces de Battambâug et d’Ongkor, et que nous nous proposons de visiter ; mais aujourd’hui cette population est excessivement réduite par les guerres incessantes que le pays a dû soutenir contre ses voisins, et je ne pense pas qu’elle dépasse un million d’âmes, d’après mon appréciation personnelle comme aussi d’après les recensements de la population. On y compte trente mille hommes corvéables, libres et en état de porter les armes, car l’esclave, au Cambodge comme à Siam, n’est sujet ni à l’impôt ni à la corvée.

Outre un nombre de Chinois, relativement considérable, il s’y trouve plusieurs Malais établis depuis des siècles dans le pays comme l’étaient les Thiàmes, et une population flottante d’Annamites que l’on peut estimer à deux ou trois mille. Comme les dénombrements de la population ne se rapportent qu’aux hommes corvéables, ni le roi ni les mandarins ne peuvent donner de chiffres plus exacts.