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« Vous êtes Français ?

— Français, Sire, lui répondis-je en siamois.

— M. Mouhot vient de Paris, dit l’abbé en donnant à sa réponse un air mystérieux ; mais il a été tout récemment au Siam.

— Et que vient-il faire dans mon royaume ?

— Il est en mission particulière, dit l’abbé d’un ton diplomatique, — mais qui n’a rien de commun avec la politique ; c’est uniquement pour voir le pays ; du reste, M. Mouhot ne tardera pas à rendre une visite à Votre Majesté. »

Après quelques minutes de silence de part et d’autre, le roi salua de la main et nous dit :

« Au revoir. »

Le cortège s’éloigna.

Je craignis un instant que l’abbé ne m’eût fait passer pour un personnage moins humble que je ne le suis réellement, et que, par suite, on ne m’interdit l’entrée du royaume. Le nom seul de la France cause une peur mortelle à ces pauvres rois. Celui-ci s’attendait chaque jour à voir flotter le pavillon français dans la rade. Le roi du Cambodge a près de soixante ans ; petit de taille et replet, il porte les cheveux courts : sa physionomie annonce l’intelligence, beaucoup de finesse, de la douceur et une certaine bonhomie[1]. Il était mollement couché à l’arrière de son bateau de construction européenne, sur un large et épais coussin ; quatre rameurs seulement et une

  1. Depuis le voyage de M. Mouhot au Cambodge, ce roi est mort, et c’est le second roi, dont il est question plus loin, qui lui a succédé