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poins mort l’année dernière, et dont on devait brûler les restes, selon la coutume du pays. Je m’y rendis avec l’espoir que cette curieuse cérémonie m’apprendrait à connaître les mœurs de ce peuple à la fois dans leurs rites funéraires et dans leurs amusements. Il était huit heures du matin quand nous y arrivâmes ; c’était le moment du « Kin-Kao, » ou de la consommation du riz. Près de deux mille Siamois des deux sexes, venus de Chantaboun et des villages environnants, les uns en chariot, les autres à pied, étaient dispersés dans l’enceinte de la pagode. Tous portaient, comme aux jours de grande fête, des ceintures et des langoutis neufs aux couleurs éclatantes, et le coup d’œil qu’offrait à distance cette foule bariolée était des plus gais. Sous un vaste toit de planches soutenu par des colonnes formant une espèce de hangar et bordé par des lambris couverts de peintures grotesques représentant des hommes et des monstres dans les attitudes les plus bizarres, s’élevait une imitation de rocher fait de carton peint, sur lequel on avait placé un catafalque chargé de dorures, de peintures et de sculptures, et contenant une urne dans laquelle les précieux restes du talapoin étaient renfermés. Çà et là quelques morceaux d’étoffe et de papier disposés en forme de bannière servaient de décoration. En face du catafalque et à l’extérieur de la salle se trouvait un bûcher, et à quelque distance, sur une estrade élevée, un orchestre était établi, jouant des divers instruments de la musique siamoise. Plus loin, quelques femmes avaient établi un marché où elles débitaient des fruits, des bonbons et des noix d’arec, tandis que d’un autre côté des Chinois et des Siamois