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comme l’on ne peut ni les voir ni les sentir toutes, c’est toujours couvert de sang que l’on revient au logis ; quelquefois mon pantalon, de blanc qu’il était en partant, prend la couleur garance, si chère au troupier français.

Le gibier commence à devenir rare, au grand désappointement de nous tous, car Phraï et Niou faisaient bombance avec la chair des gibbons, et commerce de leur fiel qu’ils vendaient un shellung ou 75 centimes de notre monnaie aux médecins chinois de Chantaboun ; les calaos sont aussi devenus très-farouches, de sorte que nous ne pouvons plus guère compter que sur des chevrotains pour approvisionner la cuisine.

Il y a bien aussi sur la montagne de grands cerfs ; mais ce n’est qu’en passant la nuit à l’affût qu’on peut les approcher d’assez près pour les tirer. Les oiseaux en général ne sont pas communs ; on ne voit ni cailles, ni perdrix, ni faisans ; et les quelques poules sauvages qui, de temps en temps, font leur apparition, sont si farouches, que ce serait perdre un temps précieux de leur faire la chasse. Dans cette partie du pays, les Siamois prétendent qu’ils ne peuvent cultiver de bananes à cause des éléphants, qui, à certaines époques, viennent du versant opposé de la montagne et dévorent les feuilles de cette plante, dont ils sont friands. Les tigres aussi sont nombreux, le tigre royal aussi bien que celui de la petite espèce ; toutes les nuits ils passent près des habitations, et le matin on peut voir l’empreinte de leurs larges pattes profondément marquée dans l’argile auprès des ruisseaux ou sur le sable des sen-