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Dans ce petit coin de la terre lorraine, les garçons et les filles vont danser le lundi de Pâques, au val des Nonnes.

C’est un vallon dans un cirque de forêts, de l’autre côté de la Moselle. On y entre par un étroit couloir, qui s’ouvre entre des côtes plantées de vignes. Au bas de rives terreuses, rongées par le courant, un ruisseau roule ses eaux fangeuses, sous des haies d’aubépine. À peine s’il y a place pour le sentier et pour la route.

Et quand le passage s’élargit et s’ouvre soudain sur un fond de prairies fraîches, rien n’est doux comme la coulée de la lumière d’avril sur les bois encore dépouillés. Vers le couchant le vallon est fermé par un bois de sapins, dont les masses noires jettent une note austère dans la joie du printemps. D’ailleurs, elle est partout, cette note de tristesse, dans ces pays du Nord : elle est dans les sources glacées, dans la gaieté un peu grave des paysans, dans la beauté des femmes, trop pensive, et c’est le charme profond de ce pays, mélange de sévérité et de poésie, qui fait que le regret en rôde éternellement dans les cœurs, mélancolique et pénétrant comme une sensation d’exil.

Pourquoi appelle-t-on cet endroit le val des Nonnes ? On n’en sait rien. Seuls les bûcherons de la forêt connaissent le passé de légendes, effrayantes ou gracieuses, mais ils ont négligé de les apprendre à leurs petits-enfants, ou bien ceux-ci les ont dédaigneusement oubliées.

On y vient dans tout ce pays, à plus de trois lieues