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de vanniers nomades qui vendent des paniers et des « charpagnes » aux paysans. L’homme et la femme en haillons, trempés jusqu’aux os, suivaient la carriole, dont la toile oscillait sur des cerceaux d’osier. Des têtes d’enfants, ébouriffées, sortaient des ouvertures de la maison roulante. L’équipage de misère émergeait de la brume pour y rentrer aussitôt, et s’y effacer comme une apparition, une vision de rêve. Marthe les regardait, le cœur tordu de pitié ; elle les enviait presque, quand elle se disait qu’ils vivaient entre eux, qu’ils s’aimaient, qu’ils ne se séparaient pas.

Certains jours, Marthe emportait son ouvrage chez la vieille Dorothée, sa voisine.

Une vieille paysanne, affable, cérémonieuse, affectionnant les façons de parler révérencieuses, particulières aux paysans de bonne famille. Elle habitait, avec sa petite-fille Anna, une bicoque posée à l’entrée de la Creuse ; on appelle ainsi en Lorraine les étroits ravins ouverts entre les vignes. Les rus torrentiels les ravagent en automne : l’été, ce sont des fouillis de verdures, de ronces, de sureaux laissant pleuvoir une poussière de fleurs, des vieux sureaux dont les enfants ont tailladé les pousses pour se fabriquer des sarbacanes.

Moins qu’une maison : un taudis, un trou. Pour y entrer, il fallait descendre quelques marches d’un escalier de pierre branlantes. Le plancher était de terre battue, les vitres de la croisée tamisaient le jour, verdies par le temps et l’humidité qui monte des terres. Quelques