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paillettes d’argent sur les eaux, faisait luire la cime des sapins.

Ils avaient allumé un petit feu. Ils voyaient le barragiste aller et venir devant eux, et sa haute taille se découpait sur la moire glissante des eaux, se penchant d’un mouvement régulier, pour relever les aiguilles de sapin.

Le repas terminé, ils s’attardaient, ne se décidant pas à quitter le coin tiède.

Ils se sentaient plus confiants, et la nourriture qu’ils avaient absorbée faisait couler dans leurs membres une chaleur insinuante et douce.

Dominique bourra sa pipe à petits coups de pouce méthodiques. Saisissant une braise dans sa main calleuse, il la fit couler sur le fourneau de terre brune, et il se mit à tirer des bouffées lentement, faisant durer le plaisir.

Il regardait Pierre fixement, comme si une idée le taquinait.

C’était ainsi depuis quelque temps. Chaque fois que le vieux se trouvait bien, que la misère s’adoucissait, le sentiment du bien-être lui remontait au cœur, déterminait chez lui un besoin d’expansion, un élan de sensiblerie qui se donnait cours par des confidences loquaces, un bavardage de vieil homme larmoyant et attendri.

Le vieux commençait ses jérémiades :

— Ça ne peut pas durer longtemps comme ça, mon fi. Pour le coup, c’est trop dur pour moi. Va falloir penser à t’établir. Bâti comme tu es, les beaux partis ne manqueront pas.

Pierre haussait les épaules : rien ne pressait.