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dente, le fourneau s’était éteint, et le froid terrible qui montait de l’eau, qui pénétrait dans ce logis ouvert à tous les souffles, lui avait gelé les pieds. Ne pouvant se remuer, il avait appelé tout le jour. Personne ne l’avait entendu. Il allait crever là, comme un chien.

Pierre le chargea sur ses épaules et le descendit dans la barque. On le porta à la maison, à travers champs.

Le lendemain on le conduisit à l’hôpital. On lui coupa les deux pieds. Cela coûta beaucoup d’argent à la commune.

Quand il en sortit et qu’il se trouva dans la rue, pauvre, dénué de tout, balancé entre ses béquilles, étonné d’entendre ses jambes de bois sonnant sur le pavé, à chaque pas qu’il faisait, il s’en fut rendre visite aux deux pêcheurs.

C’était un dimanche en janvier, après vêpres. La chambre était chaude ; le poêle ronflait, bourré de souches. Pierre absent, Dominique lisait un vieil almanach.

Une pâle lueur passait à travers les vitres que la gelée recouvrait d’arborescences capricieuses. De temps à autre un corbeau, croassant à la cime d’un peuplier, avait l’air de crier misère.

L’infirme s’écroula sur une chaise, regardant d’un air piteux ses jambes de bois, auxquelles il ne pouvait pas s’habituer, à ce qu’il prétendait.

La porte restait entr’ouverte sur la blancheur des campagnes, où il y avait bien cinq pieds de neige. Les arbres, les palissades des jardins, les « landres » de bois étaient vêtus de glace.

Alors Dominique, ayant réfléchi quelques instants,