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ces roses thé dont la chair meurtrie exhale une odeur pénétrante. Elle voulut la cueillir ; la fleur s’effeuilla, lui laissant dans la main un brin de bois sec, piteux et ridicule. Sans qu’elle raisonnât cette impression, elle en eut l’âme effleurée d’un pressentiment triste.

Tous les propos du meunier lui revinrent à la mémoire.

Pierre se tenait à côté d’elle, les yeux perdus dans la vapeur bleuâtre des lointains. Elle le sentait plein de projets, agité d’espérances qu’il ne lui confiait pas. Elle frissonna, comme si un courant d’air froid lui avait glacé les épaules.

Un nuage passa devant le soleil, tandis qu’une ombre volant sur les campagnes voilait la splendeur de ce dernier beau jour.

Elle lui dit, faisant effort pour trouver ses mots :

— Comme ça, vous ne vous plaisez pas au pays ! Il me semble pourtant que quelque chose devrait vous y retenir.

Il sourit, avec une imperceptible hauteur :

— Des idées qui me viennent ; je me mange les sangs quand je vois des malins se tirer d’affaire. Mais bah ! tout ça passera avec l’âge.

Marthe insista, rougissante, les doigts tordant les plis de sa robe pour se donner une contenance.

— C’est que, si vos projets étaient sérieux, il faudrait en faire votre deuil et rester au village. Mes parents, qui sont vieux et n’ont pas d’autre enfant, ne se décideraient pas à se séparer de leur fille…

Elle parlait encore qu’il l’avait attirée dans ses bras, vaincu par son ingénuité, gagné par son abandon. Il lui ferma les yeux d’un baiser. On finissait toujours